L’année 2022 a été soldée par un triste bilan de 67 journalistes tués de par le monde, mais l’actualité bouillonnante dans le registre des crimes contre les professionnels des médias nous vient du Cameroun, où Martinez Zogo a été récemment assassiné sauvagement, rappelant le triste destin d’un certain Jamal Khashoggi. Au Togo, le décompte n’est pas macabre, il porte plutôt sur le nombre de journaux suspendus par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Depuis quelques jours, l’instance de régulation des médias s’est de nouveau propulsée sous les projecteurs médiatiques, après la suspension de deux journaux, le quotidien Liberté et le bimensuel Tampa Express.
Si la suspension du second journal est l’aboutissement d’une procédure disciplinaire régulière respectant le principe sacrosaint de la contradiction, avec l’audition par la HAAC du directeur de publication le 1er février 2023, celle de Liberté s’inscrit dans un champ de compétences fort discutable.
S’en tenant à la très longue liste des visas fondant la décision N°27/HAAC/23/P portant suspension du journal Liberté, il apparaît que la HAAC a organisé une séance plénière de délibération le 1er février 2023 pour donner une suite à la lettre n°13/PG-CAB du 31 janvier 2023 du procureur général près la Cour d’Appel de Lomé relative à la mise en œuvre d’une décision de justice et ses annexes, notamment le Jugement n° 1323/2022 du Tribunal de première instance de Lomé du 05 octobre 2022, et l’Arrêt n°001/2023 du 12 janvier 2023 de la Cour d’appel de Lomé. Autant dire que la HAAC, en tant qu’institution de la République, se donne le pouvoir d’engager une action aux fins de faciliter la mise en œuvre d’une décision de justice. Une situation qui semble hors du commun, en ce sens que cette action remettrait en cause la force exécutoire d’une décision judiciaire.
La HAAC est habilitée à rendre des décisions administratives, et les organes juridiques rendent des décisions judiciaires. Au sens des articles 64 et 65 de la nouvelle Loi organique, la HAAC peut saisir les juridictions compétentes pour prononcer “le retrait définitif de l’autorisation avec saisie d’équipements” ou adresser “une requête au président de la juridiction territorialement compétente qui prononce l’interdiction définitive de parution de toute publication avec retrait de la carte de presse”.
L’interprétation éclairée de cette loi, dans toutes ses dispositions, expose clairement, entre les organes juridiques et la HAAC, instance disciplinaire, quelle est l’entité qui a l’ascendant sur l’autre en matière décisionnelle non-administrative, et quelle est l’entité qui peut requérir le pouvoir de l’autre en vue de donner force exécutoire à ses décisions ou projets de décisions. C’est pourquoi la HAAC peut saisir une juridiction à l’effet de prendre des décisions autres qu’administratives.
Nulle part, dans tout l’arsenal juridique et réglementaire du Togo, il n’est de disposition qui fonde la compétence de la HAAC à prendre une décision qui produirait des effets juridiques à une autre décision rendue par une juridiction, comme c’est le cas pour la décision n°27/HAAC/23/P portant suspension de Liberté.
Un courrier mal compris?
La lettre du procureur général, qui est d’abord une lettre d’information, n’a nulle part enjoint à la HAAC de prendre une décision portant suspension du journal Liberté.
“Le jugement susvisé a ordonné la suspension du journal “LIBERTE” pour une durée de trois (03) mois. A cet effet, je vous saurai gré des dispositions idoines que vous voudrez bien faire prendre pour rendre effective la mesure de suspension de parution du journal “LIBERTE“.
Aussi clair que cela puisse paraître, le courrier informe la HAAC que l’affaire a été déjà jugée et que la justice a “ordonné la suspension du journal “LIBERTE” pour une durée de trois (03) mois”. Par conséquent, la HAAC n’avait plus à prendre une disposition dans le sens de greffer une nouvelle décision sur l’Arrêt de la Cour d’appel et fixer elle-même la date d’effet, d’autant que la décision judiciaire a déjà été portée à la connaissance des intéressés par voie de signification d’huissier.
L’Arrêt est rendu le 20 janvier, signifié le 30 janvier et le courrier du procureur général date du 31 janvier 2023. Il est constant que tous les actes de procédure ne produisent des effets juridiques qu’à partir de leur notification ou signification aux intéressés. Les trois mois de suspension courent donc depuis la date de signification par voie d’huissier de l’Arrêt aux intéressés. La décision de suspension de la HAAC, qui prend effet dès le 02 février frise la superfluité et la superfétation, vidant la décision de justice de sa force exécutoire. Car une décision de justice, rendue au nom du peuple togolais, ne peut trouver sa force exécutoire dans une décision appendice prise par une autre institution de la République, quelle qu’elle soit.
On se retrouve dans un cas de figure où la même affaire, dans une dualité de procédures, est sanctionnée deux fois par deux organes différents, l’un disciplinaire et l’autre juridique. Le journal Liberté se trouve ainsi pris en étau entre la justice et la Haac. La justice étant un pouvoir autonome, elle n’a pas besoin d’une institution tierce pour rendre à ses décisions force exécutoire. Toute décision de justice, surtout revêtue de l’autorité de la chose jugée, est mise en œuvre sans détour, sans autre forme de procès.
Recours
Le directeur de publication de Liberté, Ametepe Médard, contacté, a assuré qu’un recours en annulation de la décision de la HAAC a été introduit auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême. Quelle issue en cas d’annulation de la décision de la HAAC? Que deviendra l’Arrêt de la Cour d’appel, puisque pour activer ses effets juridiques, il a fallu une décision de la HAAC. Tant de questions…
Yves GALLEY
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