Que vont devenir les «biens mal acquis» des Bongo en France?

La semaine dernière, les élus communistes de la ville de Paris ont déclaré vouloir transformer les « biens mal acquis » de la dynastie Bongo en France en logements sociaux. La proposition a fait réagir jusqu’à Libreville. Mais est-ce vraiment possible ? Que vont devenir ces appartements ?

C’est une saga judiciaire qui dure depuis une quinzaine d’années. Entre saisies, mises en examen et soupçons de corruption, l’affaire des « biens mal acquis » a longtemps été associée au nom Bongo en France. Mais depuis le coup d’État, le 30 août dernier, l’incertitude plane sur l’avenir de la procédure. Récemment, la saga a connu un nouveau rebondissement : les élus communistes de la ville de Paris ont déclaré vouloir faire de ces biens des logements sociaux. Qu’en est-il vraiment ?

Retour en arrière. En 2007, l’ONG Transparency international dépose une plainte. Elle soupçonne la famille Bongo d’avoir bénéficié d’un patrimoine immobilier frauduleusement acheté en France par Omar Bongo lorsqu’il était président du Gabon. Les enquêteurs découvrent effectivement plusieurs appartements, 21 à Paris et 7 à Nice. Des « biens d’exception » comme les appellent les agents immobiliers. Ceux de la capitale sont tous situés dans le « triangle d’or », entre les Champs Élysées et le quartier latin. Des hôtels particuliers haussmanniens de plusieurs centaines de mètres carrés, évalués par les enquêteurs à 85 millions d’euros.


Biens issus de « détournement de fonds publics »

De somptueux appartements que la justice estime « mal acquis ». Dans un arrêt de février 2022, la Cour d’appel de Paris déclare que ces propriétés ont été acquises avec « de l’argent issu de détournements de fonds publics » et de la « corruption des sociétés pétrolières, notamment Elf Aquitaine, aujourd’hui TotalÉnergies ».

Depuis, les biens ont été saisis par la justice et neuf enfants d’Omar Bongo ont été mis en examen, dont Pascaline Bongo, ex-directrice de cabinet de son frère. Ils sont poursuivis pour recel de détournement de fonds publics, corruption active et passive, blanchiment et abus de biens sociaux. Ali Bongo, lui n’a jamais été inquiété par la justice, car il bénéficiait de l’immunité liée à sa fonction. Une disposition dont il ne peut plus se prévaloir depuis qu’il n’est plus chef d’État, sans que l’on sache quelle conséquence cela peut avoir pour le moment.

L’enquête est toujours en cours. Mais selon une source proche du dossier, elle pourrait se terminer « avant l’été prochain ».
Obligation légale de restitution

Les « biens mal acquis » ont à nouveau fait parler d’eux ces derniers jours. La semaine dernière, la chaîne de télévision BFMTV révélait que les élus communistes de la ville de Paris voulait transformer ces somptueux appartements en logements sociaux. Une proposition qui a interpellé le pouvoir gabonais. Le ministre de l’Économie et des participations du gouvernement de transition, Mays Mouissi, a immédiatement réagi sur X (ex-Twitter). « À quel titre des biens supposés mal acquis au détriment du peuple gabonais deviendraient la propriété de la ville de Paris au point qu’il soit envisagé de les transformer en logements sociaux, sans même en référer aux autorités gabonaises ? », écrit-il.

Que vont réellement devenir ces biens ? Avant, les recettes liées à la vente des biens mal acquis tombaient directement dans les caisses de l’État français. Mais, depuis une loi de 2022, elles doivent être restituées aux populations de l’État d’origine des fonds. Légalement, les biens mal acquis de la dynastie Bongo en France doivent donc obligatoirement être restitués à l’État gabonais.

Comment cela fonctionne-t-il ? Concrètement, une fois que les biens sont définitivement confisqués, ils sont vendus et l’argent récolté arrive sur un programme budgétaire du ministère des Affaires étrangères. Mais l’argent n’est pas directement versé à l’État d’origine des fonds. Il est utilisé sous la forme de programmes d’aide au développement : construction d’écoles, d’infrastructures, d’hôpitaux. Le tout est décidé d’un commun accord entre la France et l’État d’origine des fonds.

L’enquête est toujours en cours

Ces actions peuvent être mises en œuvre par l’Agence française de développement (AFD), mais aussi par d’autres organisations internationales, comme le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Unesco… Il y a ensuite un suivi de l’utilisation de l’argent, afin de vérifier qu’il ne retombe pas dans les circuits de la corruption. En ce qui concerne les biens mal acquis des Bongo en France, c’est bien cette procédure qui devrait être suivie. Car, même si la mairie de Paris accepte leur transformation en logements sociaux, elle devra forcément racheter ces biens.

Il faut cependant attendre que l’enquête se termine et que les appartements soient définitivement confisqués. Mais une source qui connaît très bien ce type de dossiers prévient : « Dans ce genre d’affaires, il y a beaucoup de recours et cela prend toujours énormément de temps ».

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