“Éliminatoires CdM 2026 | Les Éperviers visent une première victoire“, titrait le site d’information de la Fédération togolaise de football à la veille de la 3e journée des Éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Le Togo affrontait à l’occasion, le 05 juin 2024, les soudanais du sud dans l’antre vulnérable de Kegue. Mauvaise visée, à l’arrivée.
Les Éperviers du Togo, dans un stade plein comme jamais, pour saluer l’immense mobilisation du public, ont gracieusement offert une piètre prestation qui illustre de manière flagrante les limites techniques et tactiques du sélectionneur Paulo Duarte. Évoluant dans l’inamovible 3-5-2, les poulains de Duarte ont concédé un nul à l’issue d’un match fade, insipide et soporifique.
Les Bright stars (surnom de la sélection sud soudanaise), essentiellement des joueurs locaux, anonymes, ont tenu la dragée haute à ces Éperviers qui essaiment dans les championnats européen/asiatique, animant régulièrement et bruyamment, pour du vent, l’actualité sportive.
Si le collectif a été un désastre et la plupart des joueurs, des pieds nickelés médiatiquement surcotés, c’est le travail du sélectionneur qui préoccupe au plus haut point, pour ses choix, son projet de jeu et l’animation de son schéma tactique. Agbozo, Romao et le nouveau venu Boma ont assuré la défense à trois. Un petit triangle était posé au milieu de terrain, à la base, Aholou, dans un rôle d’essuie-glace devant la défense, Marouf et Karim sur les deux autres angles. Aziangbe à gauche et Narey à droite comme pistons dans les couloirs; les clés de l’attaque confiées à Kevin et Bebou.
Onze entrant Togo – Sud Soudan du 05 juin 2024
Animation tactique désordonnée
Le 3-5-2 a pour vocation de rendre la défense centrale plus dense tout en créant le surnombre au milieu du terrain. L’objectif est de remporter la bataille du milieu de terrain en renforçant la possibilité pour l’équipe de récupérer au plus vite le ballon loin de son but, d’effectuer une grosse pression sur l’équipe adverse, car 7 joueurs sont présents (2 attaquants + 5 milieux de terrain) lors des phases offensives. Mais contre le soudan du sud, ces atouts du 3-5-2 sont passés à la trappe.
Dans le secteur offensif. Les deux attaquants Kevin et Bebou n’ont aucune complémentarité, ils ont multiplié des mouvements asynchrones et n’ont jamais évolué en binôme. Le jeu dans l’ensemble a été animé dans la verticalité, avec peu de profondeur, puisque Kevin, tout temps, cherche à décrocher pour venir conquérir la balle au milieu de terrain, parfois jusqu’à la ligne médiane, tandis que Bebou glisse plus sur le flanc droit où il vient régulièrement surcharger la zone de Narey. Les deux laissent souvent ainsi l’axe de l’attaque vide, conséquence, soit les balles viennent les chercher sans les trouver, (un centre caviar d’Aziangbe en première partie), soit des flancs, le porteur de balle n’a pas de solution idéale dans l’axe et se voit obligé de tenter une frappe hasardeuse. Dans ces conditions, les Eperviers, aux jambes frêles, ont enchaîné plusieurs frappes qui ont fait plutôt briller le portier sud soudanais.
Sur les transitions offensives-défensives, Bebou et Kevin ont brillé par leur absence dans le pressing haut pour constituer le premier rideau défensif. Aussi dans les transitions défensives-offensives, une seule fois, les deux attaquants n’ont fait d’appel – contre/appel pour tenter de déstabiliser la défense adverse, les deux étant souvent loin l’un de l’autre.
Festival de buts manqués
Pour couronner le tout, l’inefficacité. A la 49e, Bebou était dans la petite surface, une balle de but au pied, mais moins appliqué, il envoie une frappe agonisante sur le portier au premier poteau alors que le deuxième était grandement ouvert. Laba, entré en jeu à la 56′, fors sa passe décisive à la 61′, aura activement participé au festival de buts vendangés, notamment deux frappes de la tête mal ajustées dans la petite surface.
Aux 82′ et 90′, Kevin hérite d’une balle en pleine surface, au lieu de faire un contrôle entrant pour tenter spontanément de fusiller le portier, il fait une passe au milieu de terrain, par défaut du sens de but. A la 2e minute des arrêts de jeu, Bebou porte une balle sur le flanc gauche, Laba, bien positionné dans la surface, au lieu de faire un mouvement pour favoriser la transmission de passe, est resté statique et spectateur. Une minute après, Kevin hérite d’un caviar à 3m de la petite surface, il place dans les bras du portier une frappe minuscule. Sur l’action qui suit, sur une relance de Boma, Kevin et Laba vont se disputer la balle, et la perdre. Et à la dernière minute, Kevin, pour boucler la boucle, en pleine surface, se voit servir un très bon ballon, une passe lumineuse mettait sur orbite Laba, mais Kevin lui délivre une passe approximative. Intentionnel? Il est clair que dans l’attaque des Éperviers, les individualités ne sont pas mises au service du collectif, créant une sorte de gloubi-boulga attentatoire à la dynamique de la gagne . Il y a un tel égoïsme qui inhibe tout élan altruiste, et dont la transparence renseigne sur le défaut d’unité et de quête de l’intérêt commun.
Au milieu de terrain. Aholou, on attendait mieux. Tchakei et Karim quant à eux, ont déroulé un jeu plus porté sur les flancs que vers l’axe de l’attaque. Un indice de cette évolution sur le terrain, la plupart des coups francs que les deux ont occasionné étaient excentrés, surtout Karim en deuxième partie. Si c’est une consigne de l’entraîneur, son application stricte a beaucoup agi sur la préparation des offensives axiales et la création du surnombre dans la défense adverse. Dans l’idéal pour les Éperviers, en prenant en compte le onze entrant de Duarte, un milieu à deux récupérateurs plus un relayeur devrait rendre le jeu offensif des Eperviers plus efficace. Ce milieu relayeur ne serait autre que Karim. Ses qualités techniques, son art de posséder la balle tout en obligeant les adversaires à la faute peuvent multiplier de réelles opportunités de but notamment les coups francs dans l’axe et les pénaltys.
Togo – Sud Soudan : disposition tactique proposée par afrikdepeche sur la base du Onze de Duarte
Le défaut de pressing haut des attaquants, la rapidité des transitions offensives des sud soudanais, et le peu d’application du repli en éventail d’Aziangbe et de Narey ont pesé dans la bataille au milieu de terrain. Les adversaires, sur certaines transitions, percent avec une facilité déconcertante le milieu axial. La rentrée de Laba aurait même ouvert une fenêtre sur le flanc gauche, parce que, contrairement à Aziangbe qu’il a remplacé poste pour poste, il a dézoné pour complètement s’installer dans l’axe de l’attaque, ce qui crée, dans l’animation du schéma mis en place, un véritable fouillis.
En défense, si le “vieux” Romao et Agbozo ont tenu la baraque, bien pétris d’expériences de ce niveau de compétition, Kevin Boma s’est affiché comme le cheveu dans la soupe. Très attendu, après le dithyrambe dont il a été soyeusement couvert par Paulo Duarte, Kevin Boma s’est révélé à la fin un pied nickelé. Le coulissement du bloc défensif sur la largeur n’a pas été une grande réussite, surtout sur le côté droit où intervenait Kevin Boma, bien défaillant dans la technique défensive. Dans ce registre, il a un problème de cadrage de l’attaquant, il a du mal à fermer l’intérieur pour pousser ce dernier vers l’extérieur, et gère mal le timing pour coller à son vis-à-vis. Il faut reconnaître que les 3 défenseurs centraux n’ont pas été trop aidés par Aziangbe et Narey censés fournir d’énormes efforts physiques pour occuper les couloirs aussi bien défensivement qu’offensivement. Lors des coulissements, Aziangbe et Narey ont du mal à intégrer la ligne défensive pour les compensations, leur retard crée sur certaines actions une infériorité numérique dans l’axe de la défense. Le verrouillage de l’axe pour obliger l’adversaire à contourner la défense a été l’autre grande équation que le trio Romao, Agbozo et Boma n’ont pu résoudre avec efficacité, le mal venant depuis les deux lignes de devant.
En clair, Paulo Duarte n’a aucune emprise, aucune empreinte sur le jeu produit par les Éperviers. Outre mal connaître et mal gérer son effectif, il se distingue par un défaut de sens poussé des combinaisons parfaites. Depuis août 2021 où il débarque à la tête des Éperviers, il n’a réussi à bâtir un projet de jeu lisible et qui fonde l’identité de l’équipe.
La mise en œuvre sur le terrain du fameux 3-5-2 engendre une telle indiscipline tactique des joueurs qui multiplient des mouvements incohérents, dans un quadrillage très mal ficelé du terrain. Si devant la presse Duarte pète la grande gueule, il reste, sur le terrain, une véritable calamité, dans ses stratégies tactiques.
Yves GALLEY