Cinglant camouflet pour Moustapha Kassendja, président de Agouwa FC de Koussountou, club de 2è division du championnat togolais. Les roquettes envoyées par ses soins au Tribunal arbitral des sports (TAS) pour dynamiter le Comité exécutif (Comex) de la Fédération togolaise de football (FTF) ont raté la cible, noyées dans un profond océan de droit. Agouwa FC débouté, Moustapha Kassendja humilié, le football togolais vient d’échapper belle à une impasse savamment tracée par ses ennemis.
Les championnats D1 et D2 se déroulent paisiblement, mais le Comex de la FTF et le public sportif étaient taraudés, jusqu’en début mai, par la même appréhension : la sentence arbitrale du TAS. Ce verdict tant attendu devait trancher définitivement le fumant contentieux mettant en lice Agouwa FC, représenté par son président Moustapha Kassendja, et l’instance faîtière nationale du football.
“Une fin précipitée du mandat d’Akpovy en vue ?”; “Le colonel Akpovy dans une situation inconfortable”; “Elections à la FTF, le Comex du Col. Akpovy est-il en sursis?”, tiraient en rafales en avril 2021 des journaux en ligne, respectivement telegramme228.com, africafootinvest.com et leveil.tg. De quoi monter suffisamment la tension du Nouvel Elan dont le mandat ne tenait plus qu’à un fil tissé par le TAS, une juridiction basée à mille lieues du territoire togolais, revêtue de toutes ses compétences en la matière. Cette procédure devant le TAS renvoyait simplement l’image de deux mastodontes, un civil et un militaire, dans une arène d’où un seul pouvait sortir debout. L’uppercut gauche du militaire Akpovy alourdi par les arguments juridiques béton a terrassé KO son adversaire Moustapha Kassendja.
Exposé du litige
Le 25 janvier 2020 s’est tenu à Kara le Congrès de la FTF. Etaient inscrits à l’ordre du jour, entre autres, les questions relatives au vote concernant les propositions de modification des différents textes; le traitement des propositions des membres et du Comex, et l’élection des membres du Comex. L’ordre du jour a été approuvé à l’unanimité par les 26 des 27 membres ayant droit de vote présents. Les membres du bureau exécutif ont été élus par acclamation après l’amendement de l’article 29 des statuts, sur proposition du représentant de Gomido FC. Un paragraphe nouveau a été ajouté à l’article suscité :
« Lorsqu’il n’y a qu’une seule liste à la présidence, le Congrès peut décider d’élire cette liste par acclamation».
Cette proposition d’amendement soumise au vote, a été approuvée par 26 voix pour et 0 voix contre. Mais les actes du Congrès, malgré leur caractère régulier, sont vus d’un très mauvais œil par les détracteurs du Comex élu, au premier rang, Moustapha Kassendja. Celui-ci sollicite le TAS pour mettre fin au mandat de l’équipe du Col. Guy Akpovy. Dans le fond, le litige que ce dernier soulève repose essentiellement sur la validité des décisions du Congrès et en particulier la révision de l’art. 29 des statuts de la FTF et de l’élection du Comex. En effet, l’Appelant (Moustapha Kassendja) allègue que le Congrès n’avait pas atteint le quorum nécessaire pour prendre valablement des décisions, conteste la validité de la révision de l’art. 29 des statuts de la FTF et conteste ainsi l’élection par acclamation des membres du Comité exécutif de la FTF, effectuée sur la base de l’art. 29 révisé des statuts de la FTF.
Des arguments de pacotille démontés un à un
Le TAS confie le règlement de ce litige à un Arbitre unique, du nom de Alexis Schoeb. La procédure enclenchée par la Déclaration d’appel introduite le 15 février 2020 par Agouwa FC et son président à vie, aura été marquée, plus d’un an, par plusieurs échanges épistolaires entre l’Appelant et l’Intimée (la FTF), sous l’égide du TAS.
Pour traiter cette affaire, Alexis Schoeb procède par méthode, déclinant, pour analyse, les motifs d’appel en trois questions : « Le Congrès avait-il atteint le quorum requis par les Statuts de la FTF ?; Le Congrès pouvait-il valablement voter sur la proposition de révision de l’art. 29 des Statuts de la FTF ?; Est-ce que l’élection par acclamation des membres du Comité exécutif de la FTF lors du Congrès était valable ? »
Avec une précision juridique de haut vol, le TAS démonte un à un les arguments de pacotille évoqués par l’Appelant pour fonder sa requête. Aux trois questions, Alexis Schoeb y apporte, dans la motivation de la sentence, des réponses justes et sensées solidement taillées dans le roc du droit.
Sur la question du quorum
L’Appelant est sèchement débouté.
« …Il n’est pas exclu que le Congrès puisse être composé d’un nombre « réduit » de délégués votants, par rapport au nombre maximum de 53 délégués prévu l’art. 25 des Statuts. En effet, le nombre de délégués votants doit être déterminé, pour chaque Congrès, en fonction du nombre de membres de la FTF admis au sens des art. 11 et suivants des Statuts. Par conséquent, le nombre de délégués votants qui sont admis à participer et à voter lors d’un congrès ne peut pas être déterminé sur la seule base de la liste des délégués votants prévue à l’art. 25 des Statuts de la FTF, comme semble le soutenir l’Appelant. (…) Sur la base des pièces produites dans le cadre de cette procédure et des explications de l’Intimée, l’Arbitre unique doit ainsi conclure que le nombre de délégués représentant les membres ayant le droit de vote était de 27 et que lors du Congrès, le quorum imposé par l’art. 27 des Statuts (« plus de 50% ») était atteint dans la mesure où 26 d’entre eux y étaient présents. L’Arbitre unique rejette par conséquent l’argument de l’Appelant selon lequel les décisions du Congrès doivent être annulées en l’absence du quorum requis par les Statuts de la FTF. Pour les mêmes raisons, l’Arbitre unique rejette également l’argument soulevé par l’Appelant selon lequel le Congrès aurait violé l’art. 25 par. 3 des Statuts de la FTF concernant la répartition et l’équilibre du collège électoral », précise la sentence.
Sur la révision de l’art. 29 des Statuts de la FTF
Le TAS fustige cette requête qu’il qualifie de « formalisme excessif».
« A la lumière des dispositions des Statuts de la FTF précitées, considérer que la proposition de modification de l’art. 29 al. 2 des Statuts de la FTF ne pouvait pas être valablement votée lors du Congrès parce qu’elle aurait été directement proposée par un membre au cours de l’assemblée sans qu’elle n’ait été soumise à l’avance au secrétariat général de la FTF relèverait certainement du formalisme excessif. », souligne la sentence. Pour être plus explicite, l’Arbitre unique rappelle à l’Appelant, qui visiblement, n’a aucune connaissance des textes, que les art. 31 et 33 des statuts de la FTF n’interdisent pas expressément qu’une proposition de modification des statuts soit directement proposée et formulée en détail par les membres lors d’un congrès, si ce point figure à l’ordre du jour. Il suffit juste que l’ordre du jour mentionne simplement un « vote concernant les propositions de modification des Statuts », sans autre précision, et qu’un membre formule une proposition de modification en cours de séance, pour qu’une proposition de modification des statuts de la FTF soit valablement examinée lors du congrès».
Par conséquent, l’Arbitre unique estime que le Congrès pouvait valablement voter sur la proposition de modification de l’art. 29 al. 2 des Statuts de la FTF.
Sur l’élection par acclamation des membres du Comité exécutif de la FTF
L’Appelant allègue que l’élection du Comex par acclamation n’était pas valable dans la mesure où une telle élection aurait violé les règles impératives prescrites par les art. 20 et 29 al. 1 des statuts de la FTF. L’Arbitre unique relève que les statuts de la FTF donnent la possibilité au Congrès de déroger à l’art. 35 des statuts de la FTF et de décider d’appliquer immédiatement une révision des statuts votés lors dudit Congrès. En l’espèce, le délégué ayant formulé la proposition de modification de l’art. 29 al. 2 des statuts de la FTF avait par ailleurs proposé « que son amendement soit immédiatement appliqué à l’élection du nouveau Comité exécutif s’il est adopté », ce qui, selon le procès-verbal du Congrès, a été accepté à l’unanimité.
« Par conséquent, il apparait que la modification de l’art. 29 al. 2 des statuts pouvait être valablement appliquée à l’élection du Comité exécutif dans le même Congrès. En conclusion, l’Arbitre unique considère que l’élection par acclamation du nouveau Comité exécutif de la FTF lors du Congrès était valable », tranche la sentence.
Vengeance, duplicité, mauvaise foi
Remontons les archives. Dans une décision rendue publique le jeudi 7 mars 2019, la commission de discipline de la FTF retire à Agouwa FC les trois points du match qui l’opposait, lors de la 11e journée du championnat, à Unisport de Kouloundè. Et pour cause, Agouwa FC avait inscrit sur la feuille de match son gardien de but Ouro-Akoroki Bacharou, auteur d’un carton rouge une journée plus tôt. Conséquence immédiate, Unisport, dauphin de Agouwa, reprend le pouvoir dans la zone nord et passe en première division. La Commission de discipline, à l’instar des autres commissions de la FTF, jouit d’une entière indépendance, n’est pas sous la coupole du président Guy Akpovy et du Comex, et prend ses décisions en toute impartialité, dans le respect rigoureux des textes de la FTF. Mais Moustapha Kassendja, président du club Agouwa, alors membre du Comex, aurait mal digéré l’application stricte de la loi en sa défaveur, alors qu’il attendait, naturellement, protection du Comex et favoritisme. Donc l’impunité.
« Je pense que l’appel de Moustapha Kassendja devant le TAS est une vengeance, sinon un règlement de compte. Jugez-en vous-mêmes, lors du Congrès de Kara dont il conteste les décisions et demande l’annulation, sur 27 membres ayant droit de vote, 26 étaient présents, le 27e, c’est bien son club Agouwa. Il a opté pour le boycott. C’est depuis lors moi j’ai compris qu’il y a anguille sous roche. Après le Congrès, vous savez que certains journalistes sportifs ont mis un point d’honneur à torpiller la FTF, et Kassendja a juste repris leurs propos pour fonder sa requête, dans une totale méconnaissance des textes. Son action était truffée d’irrégularités et d’approximations d’une légèreté étonnante. Il a introduit son recours même au TAS sans avoir obtenu au préalable le PV du Congrès attaqué. C’est quand même ridicule. Ce document lui aurait permis de mieux comprendre le déroulement des travaux du Congrès pour la qualité et la solidité du recours. On peut clairement affirmer, sans ambages, que cette action devant le TAS est mue par la vengeance, et donc l’intention de nuire et de détruire. C’est triste que notre compatriote ait manqué de hauteur et de fair-play pour pousser le bouchon aussi loin. Je le respectais beaucoup, il m’a déçu. », déplore un président de club de première division, sous le couvert de l’anonymat.
En pleine procédure, les deux parties se sont convenues de passer à une conciliation, ce qui a obligé le TAS à mettre le traitement du litige en veilleuse. De sources concordantes, de hautes autorités au pays s’impliquent dans la conciliation. Kassendja a donné, au bout des discussions, son accord pour retirer sa plainte. Invité par le TAS via un courrier le 30 mars 2020 pour confirmer le retrait de l’appel, Kassendja tourne casaque et réaffirme le maintien de son action, c’est-à-dire, il veut à tout prix que le TAS fasse tomber Guy Akpovy et tout son bureau. Duplicité et mauvaise foi. Dans la sentence, l’Arbitre unique a proprement dézingué Moustapha Kassendja, en ressortant tous les détails de la vacuité de sa requête, tout en s’appuyant le plus souvent, sur les arguments juridiquement fondés, développés par la FTF. Ce qui justifie l’usage répété des expressions telles « comme le défend l’Intimée » dans la motivation.
Débouté, condamné
« Le Tribunal Arbitral du Sport : Déclare l’appel déposé par Agouwa FC de Koussountou dans l’affaire TAS 2020/A/6813 Agouwa FC de Koussountou c. Fédération Togolaise de Football (FTF) recevable. Rejette l’appel déposé par Agouwa FC de Koussountou. Dit que les frais d’arbitrage, lesquels seront déterminés et notifiés aux Parties ultérieurement par le Greffe du TAS, seront supportés entièrement par Agouwa FC de Koussountou. Condamne Agouwa FC de Koussountou à verser à Fédération Togolaise de Football contribution de CHF 2’000 (deux mille) (soit 1 200 000 F CFA, ndlr) à ses dépenses encourues pour les besoins de la présente procédure. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions. », affiche le dispositif de la sentence, qui expose le caractère ridicule de la démarche de l’Appelant, et scelle ainsi l’échec de la tentative de renversement du Comex, obligeant Kassendja à ravaler sa vengeance. Tout couvert de honte.
Par le triomphe du droit sur la haine viscérale, le TAS réhabilite de la plus belle manière Guy Akpovy et son Nouvel Elan, confirmant par ricochet une gestion saine et rigoureuse des affaires de la FTF.
Du TAS
Le Tribunal arbitral du sport est une institution internationale proposant un arbitrage ou une médiation dans le monde du sport. Domiciliée à Lausanne en Suisse, il dépend du Conseil international de l’arbitrage en matière de sport (CIAS). Le TAS autorise quatre formes de procédures : la procédure d’arbitrage ordinaire, la procédure arbitrale d’appel, la procédure consultative ainsi que la procédure de médiation. Pour sa saisine, la partie intéressée doit soumettre au Greffe du TAS une requête d’arbitrage (procédure ordinaire) ou une déclaration d’appel (procédure d’appel), dont le contenu est décrit par le Code de l’arbitrage en matière de sport.