Seulement deux jours après la rentrée scolaire 2024-2025, un élève du Complexe scolaire La Rusée 2, situé dans le quartier Atiomé, commune d’Agoe-Nyivé 2, a été sauvagement battu par son enseignant. Les sévices ont laissé des traces indélébiles sur le dos de l’enfant, couvert de balafres rouges qui témoignent de la violence subie.
“C’est un enfant de dix ans à peine, il est au CM2. C’est le soir dans la salle de bains que la maman réalise ce qui est arrivé à son fils. L’enfant dit que l’enseignant l’a battu parce qu’il lui reproche de ne pas vite écrire. Et c’est tout. Avant le massacre, l’enseignant a demandé à son élève d’enlever son pull-over, pour n’avoir sur le corps que sa tenue scolaire, ce qui dénote d’une méchanceté pure et non d’une volonté de corriger. Et il l’a bien rossé à coup de câble électrique”, raconte l’oncle de Anouar, prénom de la victime.
Contacté, le directeur d’école reconnaît les faits. “Nous savons bien que le collègue a mal agi”, lance-t-il dédaigneusement. Mais à aucun moment il n’a semblé mesurer la gravité de l’acte commis. “L’enseignant a été interpellé au conseil”, se défend-il. A la question : qu’a décidé le conseil après avoir écouté l’enseignant ?, le directeur n’a fourni aucune réponse.
Des élèves interrogés ont confirmé en off que le bâton est la règle dans cet établissement, la Rusée 2.
“Le maître qui a battu Anouar, il est bien reconnu pour ça. Il nous terrorise, et certains élèves n’aiment pas aller chez lui”, confie une élève de 11 ans, sous anonymat.
Un problème systémique
Ces actes barbares, loin d’être isolés, mettent en lumière un problème systémique qui gangrène notre système éducatif. La non application de la prohibition des châtiments corporels en milieu scolaire au Togo n’est plus chose à démontrer. Le cas de Anouar vient s’ajouter à la longue liste des cas de violences perpétrées sur des élèves dans nos écoles, en violation flagrante des dispositions du Code de l’enfant et des prescriptions administratives.
En effet, l’article 376 de la Loi N°2007-017 du 6 juillet 2007 portant Code de l’enfant dispose : “Les châtiments corporels et toute autre forme de violence ou de maltraitance sont interdits dans les établissements scolaires, de formation professionnelle et dans les institutions”.
Si la loi interdit la pratique, force est de constater que des conventions sociales, à tort, admettent la violence exercée sur les enfants à l’école, sous le couvert insensé de “qui aime bien châtie bien”.
” Les violences exercées sur les enfants par les personnels de ces établissements et institutions sont punies conformément aux dispositions des articles 355, 356, 357, 358, 395, 396 et 398 de la présente loi”, stipule l’article 377 du Code de l’enfant, prévoyant entre autres sanctions, six mois à cinq ans d’emprisonnement.
Au-delà des douleurs et traumatismes physiques, il faut bien noter que les châtiments corporels laissent des séquelles psychologiques et physiques durables chez les enfants.
Des conséquences désastreuses sur l’éducation
Ces violences ont des conséquences désastreuses sur l’apprentissage et le développement des enfants. La peur, le stress et la douleur engendrés par ces actes traumatisants, humiliants à la limite, affectent profondément leur concentration et leur bien-être. Les élèves victimes de violences physiques sont plus susceptibles de développer des troubles de l’apprentissage, des problèmes de comportement et des difficultés à nouer des relations sociales.
Un appel urgent au ministre
Face à cette situation alarmante, il est urgent que le ministre des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’artisanat prenne des mesures fermes et concrètes pour mettre fin à ces pratiques barbares. Il s’agira, notamment, de :
*renforcer les contrôles inopinés dans les établissements scolaires;
* organiser des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour promouvoir une éducation basée sur la non-violence et le respect des droits des enfants;
* mettre en place des mécanismes de signalement pour permettre aux élèves et à leurs parents de dénoncer les cas de violences sans crainte de représailles ;
* former les enseignants à des méthodes d’enseignement alternatives, non violentes et respectueuses des droits de l’enfant.
Chaque enfant a le droit d’apprendre dans un environnement sûr et bienveillant où les enseignants ne s’érigent pas en bourreaux et tortionnaires.
Yves Galley