L’Agora Senghor de Lomé a servi de cadre, le jeudi 6 mars, à la présentation des résultats de la 10ᵉ édition de l’enquête Afrobaromètre au Togo. Réalisée par le Centre de recherche et d’opinion publique (CROP), cette étude d’envergure a sondé les perceptions des Togolais sur deux questions d’actualité brûlante : la lutte contre le terrorisme dans le nord du pays et la position du Togo face à l’Alliance des États du Sahel (AES), une coalition regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les résultats, riches en enseignements, offrent un éclairage précieux sur les préoccupations des citoyens et les défis auxquels le pays est confronté.
Un sentiment d’insécurité persistant malgré les efforts gouvernementaux
Selon les données recueillies entre le 13 et le 30 novembre 2024 auprès d’un échantillon représentatif de la population adulte, 83 % des Togolais affirment que la situation sécuritaire dans le nord du pays influence leur perception de la sécurité nationale. Cette région, touchée par des attaques terroristes récurrentes, reste un épicentre de tensions qui alimente un sentiment d’insécurité généralisé.
Cependant, une majorité de Togolais (56 %) reconnaît les efforts du gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Ils estiment que l’exécutif mène une action efficace pour contrer cette menace. Cette approbation relative contraste avec le constat d’une communication gouvernementale jugée insuffisante par près de la moitié des répondants (44 %). Seuls 48 % des sondés considèrent que l’État informe correctement la population sur les enjeux sécuritaires, révélant ainsi un clivage dans l’appréciation de la transparence des autorités.
L’Alliance des États du Sahel (AES) : une rupture justifiée ?
L’enquête Afrobaromètre s’est également penchée sur la perception des Togolais concernant l’Alliance des États du Sahel (AES), une coalition formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger après leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les résultats sont sans équivoque : 64 % des Togolais jugent justifiée la décision de ces pays de quitter la CEDEAO. Parmi les raisons invoquées, on retrouve la perception d’une influence excessive des puissances étrangères sur la CEDEAO, l’imposition de sanctions jugées injustes aux membres de l’AES, et le manque de soutien militaire de la part de l’organisation régionale face aux menaces terroristes.
Cependant, les Togolais sont plus partagés quant aux conséquences de cette rupture sur l’intégration sous-régionale. Si 39 % estiment que cette décision n’aura pas d’impact significatif, 37 % craignent un affaiblissement de la coopération régionale. Cette division reflète les incertitudes entourant l’avenir de la CEDEAO et la montée en puissance de l’AES comme alternative géopolitique.
La Russie et le groupe Wagner : un rôle perçu comme stabilisateur
Un autre point saillant de l’enquête concerne la présence de la Russie et du groupe Wagner dans la région du Sahel. Plus de la moitié des Togolais (54 %) perçoivent cette présence comme un facteur de stabilisation. Cette opinion s’inscrit dans un contexte où les pays de l’AES, en rupture avec la CEDEAO, se tournent vers de nouveaux partenaires stratégiques pour renforcer leur sécurité et leur souveraineté. La Russie, par le biais du groupe Wagner, est ainsi vue comme un acteur capable de contrer l’expansion du terrorisme et de réduire l’influence des anciennes puissances coloniales.
Cette perception positive de la Russie s’accompagne d’un soutien notable à l’idée que le Togo pourrait tirer profit d’un rapprochement avec l’AES. En effet, une majorité de Togolais (54 %) estime que les intérêts du pays seraient mieux servis s’il quittait la CEDEAO pour rejoindre l’AES. Cette position reflète une volonté de redéfinir les alliances régionales et de s’affranchir des dynamiques perçues comme déséquilibrées au sein de la CEDEAO.
Afrobarometre : un outil essentiel pour comprendre les attentes des citoyens
Depuis sa création en 1999, Afrobaromètre s’est imposé comme une référence en matière de sondages d’opinion en Afrique. Ses enquêtes, menées dans plus de 30 pays, visent à mesurer les attitudes des citoyens sur des questions clés telles que la démocratie, la gouvernance, l’économie et la sécurité. Au Togo, les précédentes éditions d’Afrobarometer ont déjà mis en lumière des tendances importantes, comme la défiance croissante envers les institutions politiques ou la demande accrue de transparence dans la gestion des affaires publiques.
La 10ᵉ édition confirme l’utilité de cet outil pour les décideurs politiques, les chercheurs et les partenaires techniques et financiers. En offrant un aperçu concret des attentes et des préoccupations des citoyens, Afrobaromètre contribue à éclairer les débats publics et à orienter les politiques nationales et régionales.
Entre défis sécuritaires et recomposition géopolitique
Les résultats de cette enquête dressent un portrait nuancé de la situation au Togo. D’un côté, les Togolais expriment une certaine confiance dans les efforts de leur gouvernement pour lutter contre le terrorisme, tout en déplorant un sentiment d’insécurité persistant. De l’autre, ils se montrent ouverts à une recomposition des alliances régionales, soutenant le rapprochement avec l’AES et la présence de la Russie dans la région.
Ces tendances soulignent l’importance d’une communication claire et transparente de la part des autorités, ainsi que la nécessité de repenser les stratégies de sécurité et de coopération régionale. Dans un contexte marqué par des défis sécuritaires croissants et des bouleversements géopolitiques, les attentes des citoyens togolais constituent un appel à l’action pour les décideurs politiques.
Les données complètes de l’enquête sont disponibles sur le site d’Afrobaromètre, offrant une ressource précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution de la situation au Togo et en Afrique de l’Ouest.