La Cour des comptes monopolise toute l’actualité sociopolitique togolaise depuis quelques jours, après la publication de son rapport d’audit du Fonds de riposte et de solidarité Covid-19 (FRSC), gestion 2020. Choquant, scandaleux, inadmissible, criminel…, les réseaux sociaux, nouveaux porte-voix des populations, semblent s’écrouler sous l’expression multiforme de la colère et de la fureur implacables des Togolais surpris de découvrir le défaut d’orthodoxie dans la gestion des fonds alloués à la riposte Covid-19. Ainsi s’est ouverte une situation de crise qui impose au gouvernement une communication prolifique destinée à apporter des éclaircissements au peuple. Communiqué, émissions radio et télé, et le recours à tous les outils de communication n’ont pas suffi à justifier les insuffisances relevées par la Cour des comptes et à faire baisser la tension, un passage devant la représentation nationale s’est avérée nécessaire et obligatoire. C’était le mardi 21 février, au cours de la première session extraordinaire de l’année, conformément aux dispositions de l’article 55 alinéa 8 de la Constitution. Tour à tour, une dizaine de ministres, tels des accusés à la barre, ont pris la parole pour défendre, chacun en ce qui le concerne, son cas. Le passage qui a magnétisé particulièrement les attentions reste sans doute celui du ministre en charge du Commerce, Kodjo Adedze, tant, l’affaire de la commande de 31 500 tonnes de riz pour 8 601 390 000 F CFA a cristallisé les passions, et généré des interprétations les plus ubuesques. « Le ministre Adedze n’a pas vu les 8 milliards », a martelé avec force le ministre en charge des Finances, Sani Yaya. Celui-ci, dans une intervention aux allures d’un cours de droit fiscal public, a exposé les approximations de la méthode de travail de la Cour au cours de son audit.
Le rendez-vous était attendu courant première session de l’Assemblée nationale qui s’ouvre le premier mardi de mars, d’après l’alinéa 1 de l’article 55 de la Constitution. Mais les choses sont allées très vite, avec l’application de l’alinéa 8 du même article qui dispose : “L’Assemblée nationale et le Sénat sont convoqués en session extraordinaire par leur président respectif, sur un ordre du jour déterminé, à la demande du Président de la République ou de la majorité absolue des députés ou des sénateurs“.
La séance du mardi 21 février s’inscrit indiscutablement dans la légalité. Revenant à l’essentiel, il est précisé plus haut que tous les regards étaient braqués sur le serviteur de la République qui devait apporter des explications sur l’affaire des 31 500 tonnes de riz. En effet, ce pan du rapport a été le plus exploité, le ministre concerné, Kodjo Adedze, calomnié et crucifié sur l’autel de la dérision, le tout sous la propulsion d’une erreur glissée dans le reportage de RFI qui parle de 31,5 tonnes de riz à plus de 8 milliards, au lieu de 31 500 tonnes. Sans évoquer la teneur du discours de Kodjo Adedze devant les députés, une lecture objective du rapport (page 23) permet déjà de dégager la responsabilité du ministère du Commerce dans la commande du riz.
” En effet, le ministère en charge du commerce n’a produit à la Cour que les factures et les ordres de virement relatifs à cette opération d’achat de riz. A cette étape de l’audit, la Cour n’ayant pas pu obtenir le document de contrat d’achat entre le gouvernement et la société Olam, afin d’apprécier la conformité de la livraison et la validité de la créance, avait conclu à un cas de non-conformité. Mais pendant la phase de contradiction, le Ministère chargé de l’Economie et des finances a transmis par bordereau en date du 22/07/2022, les factures relatives à ce marché produites par le ministère du commerce en indiquant que c’est le système anglophone qui a prévalu lors du traitement de cette commande. Ainsi la signature apposée par le Ministre du commerce sur la facture concernée, valait contrat ou convention (Conf. Observation N° 46 du MEF relative à l’observation N°20 du rapport d’observations provisoires de la Cour)”.
Autrement, le ministère du commerce n’est pas reconnu impliqué directement dans l’opération de la commande de riz. Lors de la première phase de l’audit, interpelé, le ministère du commerce a produit les documents à sa disposition, notamment les factures et les ordres de virement. Mais à la phase de la contradiction, la Cour des comptes a eu plutôt comme interlocuteur le ministère de l’Economie et des finances qui lui a apporté des éclaircissements sur les imbrications de la commande du stock de riz, justifiant par ailleurs la valeur et la validité de la signature apposée par le ministre du Commerce sur la facture transmise.
Autant dire que M. Kodjo Adedze n’a été impliqué que dans les opérations post-commande du riz, notamment la manutention et la distribution. Tout ceci a été attesté par le ministre Sani Yaya des Finances devant les députés. L’objectif du gouvernement dans cette entreprise était d’éviter la rupture dans l’approvisionnement de cette denrée alimentaire sur l’ensemble du territoire.
Un Adedze clean
C’est un ministre de l’Economie très à l’aise dans sa prise de parole, mais très remonté contre le caractère tendancieux du rapport de la Cour des comptes. Sur la commande du riz, il a préféré user un ton ironique, mais empreint de gravité : « J’ai entendu les gens crier qu’on n’a pas vu ce riz dans nos préfectures. Ils sont allés jusqu’à demander qui a distribué. J’ai appelé le ministre Adedze et je lui ai dit de m’amener mon riz puisqu’il a distribué ». Avant de fermement insister : ” Le ministre Adedze n’a pas vu les 8 milliards“. Sur le défaut de bon de commande, d’absence de contrat, Sani Yaya s’est échiné à rappeler à la Cour les principes fondamentaux du commerce international.
« Dans la pratique, quand on demande une cotation à un fournisseur, il donne toutes les caractéristiques, les quantités suivant la communication eue pour les négociations à travers une facture appelée proforma commercial. Et on vous dit, si vous êtes d’accord, vous marquez ‘bon pour accord’ et vous signez. Cela vaut bon de commande. C’est ce qui a été fait et dans le même rapport, on voit dans les annexes Commercial Invoice (proforma commercial) », a-t-il détaillé, soulignant que beaucoup de commandes, lors de la crise sanitaire liée au covid-19, ont été faites suivant cette pratique.
Adedze défend un «gouvernement responsable»
Le ministre Adedze, prenant la parole lui-même, a justifié d’abord l’urgence qui imposait la constitution d’un stock de sécurité de denrées alimentaires dont le riz, dans un contexte marqué par la rareté de tout et où la navigation des bateaux sur l’océan était limitée, avant de rappeler les stratégies du gouvernement togolais, dans toutes ses dimensions de responsabilité, pour protéger les populations contre la faim.
“Il faut relever qu’on peut mourir par le coronavirus, également la faim peut tuer. Et donc à l’époque, pour assurer la sécurité alimentaire, il était question d’évaluer le stock d’un certain nombre de produits de première nécessité dont le riz. Et nous avons travaillé avec nos collègues pour évaluer le stock de riz produit localement, y compris ceux qui sont produits à Kovié. Evaluer le stock de riz disponible au niveau de l’ANSAT et nous avons également rassemblé ceux qui sont sur la filière riz pour évaluer avec eux leur stock. Il était clair qu’après quatre (04) mois, il n’y aurait plus de riz dans ce pays. En gouvernement responsable, il fallait faire quelque chose, il fallait importer du riz qui était difficile d’ailleurs parce-que tout est bloqué, tout le monde se jetait sur les stocks disponibles. Nous avons regardé un peu partout et trouvé qu’il y avait auprès d’un fournisseur, le plus gros Olam, pas la quantité que nous voudrions mais une quantité qui pourrait ajouter à ce que nous avions localement détenu pendant un (01) an. Ce qui nous a poussés à commander les 31 500 tonnes de riz”, a-t-il introduit, dans une communication claire et cohérente. C’est sans ambigüité qu’il explique également les négociations du prix et le mécanisme de distribution du riz.
“Et nous avons vérifié également les prix qui étaient pratiqués à l’international. Ces prix oscillaient à l’époque entre 400.000 francs et 600 000 la tonne. Nous avons réussi à négocier pour qu’on puisse nous livrer le riz, rendu Lomé ici, à 273. 000 francs et ce qui a été fait en urgence. Le riz nous est parvenu au Port Autonome de Lomé ici, les traces sont là pour tous ceux qui connaissent le commerce international, c’est très simple… Comment le mettre maintenant à la disposition des populations ? Un travail a été fait. Il y avait trois (03) solutions qui s’offraient à nous. Remettre le stock à l’ANSAT qui va utiliser son circuit habituel de distribution ou le gouvernement trouve un mécanisme de livraison parce que ça doit toucher tout le territoire togolais, ou traiter avec les acteurs de la filière. Nous avons regardé un tout petit peu, il faudrait permettre quand-même à ce que nos acteurs reconnus puissent tenir, leur enlever cela n’était pas bon. Donc tout calcul fait, s’il faut livrer ce riz au prix de revient, nous n’allons pas pouvoir atteindre l’objectif qui est de rendre le riz disponible sur toute l’étendue du territoire et à un prix abordable. Le Gouvernement a décidé de subventionner ce riz encore à un milliard trois cent et quelques millions pour que le sac de riz de 50 kg revienne à 12.500 et de 25 kg à 6 250. Honorables Députés, cette opération a d’ailleurs permis de tirer vers le bas les autres prix sur le marché. C’est ce qui fait qu’on a pas eu trop de tensions sur la filière riz.
Nous avons appelé tous les acteurs de la filière et on leur a dit voilà ce que nous avons et ce que nous vous proposons, c’est que vous puissiez servir de distributeurs de ce riz, mais à prix plafonné que nous allons suivre. Tous ceux qui étaient là ont décidé de prendre un tonnage. Un compte a été ouvert dans les livres de l’UTB par le Trésor public. Vous versez le montant correspondant là-bas, vous venez montrer la preuve et on vous autorise à aller enlever le riz. Donc des 8 milliards et d’autres charges notamment dues à la manutention et puis les frais connexes, si vous ajoutez ces frais-là, moins le milliard trois cent millions, le reste est versé sur un compte dans les livres de l’UTB ouvert par le Trésor. Et ça nous a permis, Excellence Madame la présidente, à l’époque, d’étonner certains pays. Mes collègues de la sous-région me demandaient Monsieur le ministre, qu’est-ce que vous avez fait puisqu’ils venaient même chercher de l’huile végétale chez nous. Il y avait une certaine politique mise en œuvre pour que nos populations n’aient pas à choisir entre mourir de faim et mourir de covid. Ça a été apprécié“, expose le ministre du Commerce.
Le compte ouvert à l’UTB où étaient centralisés les versements des opérateurs économiques (importateurs de riz) retenus pour assurer la distribution du stock de riz a été effectivement mentionné dans le rapport, mais la Cour des comptes s’est abstenu de le mettre en relief, se montrant plus incisif sur le défaut de contrat et de bon de commande. Un des manquements sur lequel est revenu le ministre Sani Yaya.
Une méthode de travail mise à l’index
Si la Cour des comptes a réussi à conforter son indépendance à travers un rapport qui met en cause l’utilisation des deniers publics par des entités gouvernementales et des institutions de la République, -ce qui consolide notre démocratie- elle n’aurait pas fait montre d’un professionnalisme immaculé.
En effet, à la page 15 du rapport, dans un tableau, le rapport, dans la section “Autres ressources générées par les activités de riposte”, fait cas de la rubrique : “Reconstitution du stock de sécurité de riz”. Le montant qu’on y trouve est : 7 369 287 300, versé sur le compte UTB : TG53TG0090103203360520040016.
« Le rapport de la cour indique le compte de l’UTB en question mais seulement dans un tableau. Comment un non initié à la question financière et de l’audit va aller chercher pour voir à la page 15 du rapport ce tableau intitulé “Autres ressources générées par les activités de riposte, reconstitution du stock de riz de sécurité, 7, 369 milliards », tacle Sani Yaya, fustigeant ainsi la démarche de la Cour qui a consisté à seulement montrer que l’argent est rentré, sans en dire plus sur le mécanisme.
Autre point qui fait rougir le patron des Finances du Togo, c’est l’abstention de la Cour à clairement expliquer le mécanisme ayant gouverné la transaction financière sous l’égide de la BCEAO.
« La BCEAO n’utilise jamais les devises pour faire un paiement si elle n’a pas toutes les pièces justificatives. Dans le rapport, il y a tout cela mais personne n’y a fait attention. Le rapport est resté silencieux dessus. Il n’a pas parlé du paiement et comment cela a été fait. Le même rapport n’a pas expliqué le mécanisme qui a été mis en place par le gouvernement pour assurer la disponibilité du riz », s’étonne Sani Yaya.
Son collègue des Droits de l’homme, Christian Trimua a, sans ambages, reconnu, lui aussi, que le rapport de la Cour des comptes présente des qualités et des imperfections. Une avalanche de discours qui, bien analysées au fond, semblent remettre en cause la neutralité de la Cour des comptes dans son rapport d’audit du Fonds de riposte et de solidarité Covid-19.
Voici l’intégralité du discours explicatif du ministre du Commerce, Kodjo Adedze, devant le parlement
Nous étions en 2020 et de façon inattendue, la maladie s’est invitée sur tous les continents y compris notre pays, perturbant tous les schémas d’approvisionnement. La chaîne logistique internationale était fortement perturbée. Vous allez vers le port, vous pouvez y jouer du foot, suite aux diverses mesures de confinement pour empêcher la propagation de la maladie. Il faut relever qu’on peut mourir par le coronavirus, également la faim peut tuer. Et donc à l’époque, pour assurer la sécurité alimentaire, il était question d’évaluer le stock d’un certain nombre de produits de première nécessité dont le riz. Et nous avons travaillé avec nos collègues pour évaluer le stock de riz produit localement, y compris ceux qui sont produits à Kovié. Evaluer le stock de riz disponible au niveau de l’ANSAT et nous avons également rassemblé ceux qui sont sur la filière riz pour évaluer avec eux leur stock. Il était clair qu’après quatre (04) mois, il n’y aurait plus de riz dans ce pays. En gouvernement responsable, il fallait faire quelque chose, il fallait importer du riz qui était difficile d’ailleurs parce-que tout est bloqué, tout le monde se jetait sur les stocks disponibles. Nous avons regardé un peu partout et trouvé qu’il y avait auprès d’un fournisseur, le plus gros Olam, pas la quantité que nous voudrions mais une quantité qui pourrait ajouter à ce que nous avions localement détenu pendant un (01) an. Ce qui nous a poussés à commander les 31 500 tonnes de riz. Et nous avons vérifié également les prix qui étaient pratiqués à l’international. Ces prix oscillaient à l’époque entre 400.000 francs et 600 000 la tonne. Nous avons réussi à négocier pour qu’on puisse nous livrer le riz, rendu Lomé ici, à 273. 000 francs et ce qui a été fait en urgence. Le riz nous est parvenu au Port Autonome de Lomé ici, les traces sont là pour tous ceux qui connaissent le commerce international, c’est très simple… Comment le mettre maintenant à la disposition des populations ? Un travail a été fait. Il y avait trois (03) solutions qui s’offraient à nous.
Remettre le stock à l’ANSAT qui va utiliser son circuit habituel de distribution ou le gouvernement trouve un mécanisme de livraison parce que ça doit toucher tout le territoire togolais, ou traiter avec les acteurs de la filière. Nous avons regardé un tout petit peu, il faudrait permettre quand-même à ce que nos acteurs reconnus puissent tenir, leur enlever cela n’était pas bon. Donc tout calcul fait, s’il faut livrer ce riz au prix de revient, nous n’allons pas pouvoir atteindre l’objectif qui est de rendre le riz disponible sur toute l’étendue du territoire et à un prix abordable. Le Gouvernement a décidé de subventionner ce riz encore à un milliard trois cent et quelques millions pour que le sac de riz de 50 kg revienne à 12.500 et de 25 kg à 6 250. Honorables Députés, cette opération a d’ailleurs permis de tirer vers le bas les autres prix sur le marché. C’est ce qui fait qu’on a pas eu trop de tensions sur la filière riz.
Nous avons appelé tous les acteurs de la filière et on leur a dit voilà ce que nous avons et ce que nous vous proposons, c’est que vous puissiez servir de distributeurs de ce riz, mais à prix plafonné que nous allons suivre. Tous ceux qui étaient là ont décidé de prendre un tonnage. Un compte a été ouvert dans les livres de l’UTB par le Trésor public. Vous versez le montant correspondant là-bas, vous venez montrer la preuve et on vous autorise à aller enlever le riz. Donc des 8 milliards et d’autres charges notamment dues à la manutention et puis les frais connexes, si vous ajoutez ces frais-là, moins le milliard trois cent mille, le reste est versé sur un compte dans les livres de l’UTB ouvert par le Trésor. Et ça nous a permis, Excellence Madame la Présidente, à l’époque, d’étonner certains pays.
Mes collègues de la sous-région me demandaient Monsieur le Ministre, qu’est-ce que vous avez fait puisqu’ils venaient même chercher de l’huile végétale chez nous. Il y avait une certaine politique mise en œuvre pour que nos populations n’aient pas à choisir entre mourir de faim et mourir de covid. Ça a été apprécié. Voilà donc Excellence Madame la Présidente, le travail fait par rapport au riz. Ce riz n’a pas été distribué mais il a été mis à la disposition de nos populations sur toute l’étendue du territoire. On faisait vérifier chaque semaine les stocks disponibles dans les régions par le biais de nos directeurs régionaux agriculture et commerce. Nous avons d’ailleurs les intitulés du compte sur lequel les fonds sont versés.
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