Livre: Le chien de ta mère
Genre: Nouvelles
Auteur: Pierre Amrouche
Quand on a lu et qu’on a transpiré, on peut être fier d’avoir bien dîné littérairement. Bon, ça dépend de l’heure de la lecture puisque j’ai le vilain défaut de ne lire que les nuits où toute âme qui vive se retrouve dans les casernes du silence. Je n’ai pas regretté une seconde d’avoir bravé une pluie des plus battantes, défiant, en véritable guerrier sur ma moto presque cadavérique les petits océans qui jonchaient ma voie pour aller récupérer ce joyau des mains de l’éditeur de Pierre Amrouche, Kangni Alem. Pierre Amrouche est fils de Jean Amrouche, célèbre journaliste français d’origine kabyle. La Kabylie, je l’ai découverte à travers l’un des plus beaux travaux littéraires maghrébins, “Le fils du pauvre” de Mouloud Ferraoun.
Les cinq nouvelles guirlandant ce recueil publié dans la collection Filbleu des Éditions Continents constituent un pur délice. N’empêche que ça fasse vomir après. Mais “qui a vomi a dîné”, disait Nabe dans l’épigramme de son premier livre “Au régal des vermines”.
Et moi, insatiable lecteur, après avoir mastiqué ” le chien de ta mère”, j’ai vomi. Mais cela m’a fait un bien fou puisque je suis un épris des interdits, même si je n’adhère pas pleinement aux idéologies des soixanhuitards du pays de Pierre Amrouche, chloroformés intellectuellement par Deleuze et Guattari qui scandaient et taguaient partout ” Il est interdit d’interdire.”
Je suis de la très petite caste qui aime qu’on impose les interdits pour les braver ensuite. Cela donne un air de grandiloquence et une virilité inouïe. Gide, Wilde, Proust seraient des âmes en peine s’ils avaient vécu à l’époque de la légalisation de l’homosexualité. J’imagine, peut-être à raison, que ces génies se sentaient comme des Dieux dans un monde qui allait dans un même sens et qu’eux, animés d’une noblesse rebelle allaient en contre-courant. Mais quand leur mode sexuel devient la norme comme l’avait souhaité Eric Fassin, l’absolu disparaît et la particularité s’efface. Imaginer des météorites d’or s’échouer sur notre planète et se mettre à la disponibilité de tous. L’or ne vaudra même plus le pet d’une grand-mère pour emprunter l’expression à Kourouma. Ne dit-on pas que ce qui est interdit attire et que la satisfaction est la mort du désir? Et oui, le mec a mangé le chien de sa mère. Il l’a fourrée “bien bon” comme on le dit dans les coins des rues de Logone, euh de Lomé. Et pour réparer le corps maudit du transgresseur, mangeur du “chien de sa mère”, il faut des rituels de purification. Et dans cet exercice compliqué mais parfaitement peint par Pierre Amrouche, le salopiot mangea la jeune fille du couvent, interdite de tout rapport sexuel avant la fin de sa réclusion. Ah, “il est interdit d’interdire”.
Et notre ami Jean-Marc, adepte des acrobaties érotiques les plus insolites, qui périt en cherchant la courte échelle pour monter au septième ciel? La perversion a du charme mais ce charme peut être funeste!
Ah ce paltoquet de Roger, qui mangea “la petite Mousson”, une petite mangue verte qui n’est pas encore prête à être croquée; bon… enfin pour le blanc mais pas pour le noir, car Koffi le chauffeur fit un peu du Montaigne à travers cette intéressante réplique : ” Non, c’est interdit pour toi le blanc, pas pour nous!”. ” Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà ?”, disait Michel Eyquem.
“Le chien de ta mère ” se croque avec plaisir. Toutes les nouvelles se dévorent d’un trait, l’histoire va vite et vous empêche de freiner pour reprendre votre souffle. Le lecteur découvre des images défiant le fantastique et l’irrationnel à travers les phrases construites par Pierre Amrouche. Et la meilleure, Misalisa! Véritable nouvelle “illuministe” à la Jacques Cazotte, Misalisa est un récit holistique qui traine le lecteur dans tous les sens. Comme dans “le diable amoureux” de Cazotte, le narrateur tombe sous le charme de Misalisa.
Mais une grosse bourde de Paul tuant Dan, le serpent totem de la jeune fille va lui faire découvrir la face sombre de Misa qui disparut, rampant sous les arbres, serrant le serpent contre son corps. Une chimère qui soulage le lecteur à la fin de la nouvelle! Le récit fait transpirer et donne une sensation qui fait palpiter le coeur.
Lire “le chien de ta mère”, c’est vivre des aventures mystérieuses; c’est se connecter à un univers que seules les mauvaises herbes qui poussent en liberté dans les jardins mal fréquentés comprendront, comme le chante Brassens.
Tout glouton des belles lettres doit découvrir ce bouquin et le croquer sans modération, car des mœurs noires, Pierre Amrouche en est l’héritier venu d’ailleurs.
Passages choisis
Si l’homosexualité féminine était admise ou tolérée, voire banale ici, considérée comme un jeu de filles, celle des hommes était très critiquée et unanimement condamnée comme contre nature. On se demandait comment un homme pouvait avoir des rapports sexuels avec un autre homme, alors qu’il y avait tant de femmes libres et accueillantes, très peu farouches. Page 29
Plus il y a de pauvreté et plus l’or fascine, corrompt. Tu le sais bien, toi le blanc, le blanc est le maître, le blanc a l’argent. Je sais que quand tu veux acheter un objet, même dans le couvent le plus rigoureux, où les vaudous tuent pour un rien, tu obtiens toujours ce que tu veux, tu achètes. Tout cède devant l’argent roi. Mais moi, la négresse rousse, je n’ai pas besoin de votre argent! Page 35
Les droits de l’homme en Afrique étaient malmenés, ceux des animaux encore plus. Page 39
Elle crachait dans ma direction en proie à une fureur grandissante. Son visage convulsé avait viré au vert sombre, comme marqué d’écailles, ses yeux s’étaient fendus et elle dardait la langue. Elle sifflait la haine, soufflait des braises incandescentes. Pages 54-55
Pendant ces sept jours, il a été très agité. J’ai dû l’attacher plusieurs fois pour qu’il ne se blesse pas. Il a beaucoup crié et aboyé, hurlant à la mort des heures durant. Je l’ai soutenu et lavé plusieurs fois, mais il ne paraissait pas me voir. Il ne m’a rien dit. Une fois seulement il a regardé mes seins, les a palpés et les a pris dans sa bouche. Je l’ai laissé faire. Il m’a tétée et s’est endormi contre moi. C’est tout.. Page 64
Il y avait plus de quatre cent signes dans le Fa et il fallait trouver et bien identifier le sien avant de pouvoir le lire, y voir son vodun et désigner son envoûteur. Page 71
J’ai ouvert avec son code sa messagerie et ses sites internet favoris: que des plans sado-maso. Tu connais le jeu du foulard, il y a plein de gamins qui se tuent en jouant à ça, une version contemporaine des recettes du Maquis de Sade. Page 118
En dehors d’Anna, la compagne officielle, il voyait plusieurs femmes africaines, et dans les villes de l’intérieur, là où sa profession le conduisait souvent, il avait aussi au moins une maîtresse par ville, ce que l’on appelle ici des “bureaux”: premier bureau, deuxième bureau, etc. Jean-Marc dirigeait un nombre incalculable de bureaux. Page 121
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