Juin 1987 – juin 2022, la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) a 35 ans d’existence, anniversaire commémoré en toute sobriété, à travers une journée de réflexion. Le bilan est positif, de l’avis du ministre chargé des Droits de l’Homme, Christian Trimua. Une opinion unanimement partagée par les acteurs des Droits de l’homme, sous réserve des nombreux défis qui restent à relever. Ce que justifie Olivier Yaovi SRONVIE, président par intérim de l’institution : « L’Etat de droit n’est pas figé, il s’agit d’une construction permanente qui nécessite une veille et des efforts pour tendre vers l’idéal ». Ces propos sont tirés d’une interview exclusive qu’il a accordée à La Symphonie, où sans langue de bois, il fait la radioscopie de la CNDH et de l’état des Droits de l’homme au Togo. Entre autres sujets importants abordés, les missions et l’indépendance de la CNDH, l’Etat de droit, la liberté d’opinion et de presse, la justice togolaise, les droits de l’homme dans un contexte de lutte contre le terrorisme, l’homosexualité et les droits des minorités.
LA SYMPHONIE : Joyeux anniversaire, monsieur le président. La CNDH a 35 ans, sous quel signe l’institution place cette commémoration ?
M. Olivier Yaovi SRONVIE: bonjour et merci pour l’invitation. La commémoration des 35 ans est placée sous le signe de la réflexion, une réflexion axée sur deux angles. D’abord l’évaluation du chemin parcouru (bilan) ; ensuite la projection dans l’avenir (défis et perspectives). En somme, il est question de marquer une pause pour jeter un regard rétrospectif sur ce parcours en vue de projeter un avenir qui consolide les acquis et qui réponde davantage aux attentes des populations en matière de jouissance effective et de respect de leurs droits fondamentaux.
Quelles sont, pour commencer, les missions assignées à la CNDH?
Au titre de l’article 4 de la loi n° 2021-015 du 3 août 2021, la CNDH a trois missions fondamentales à savoir : -promouvoir et protéger les droits de l’homme ; – protéger les défenseurs des droits de l’homme ; – prévenir la torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans tous les lieux de privation de liberté ou tout autre lieu qu’elle a identifié.
35 ans après sa création, croyez-vous que la CNDH a bien rempli ses missions pour une consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie au Togo ?
Il s’agit d’une question dont la réponse n’est pas aisée, mais nous pouvons affirmer avec humilité que la CNDH a contribué à la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie au fil des années à travers la conquête de beaucoup plus d’espace de liberté et de droits de l’homme au profit des populations et à l’éclosion de la démocratie au Togo. Ainsi, que de luttes, que d’efforts ont été consentis pour que s’impose progressivement l’idée que chacun, sans considération aucune, est titulaire de droits imprescriptibles et de libertés fondamentales. Ce combat de plusieurs décennies porte ses fruits. S’ils ne sont pas encore devenus réalité pour tous, beaucoup s’en faut, les droits de l’homme, fondements de l’Etat de droit et de démocratie au-delà de toute considération, constituent désormais une aspiration nationale. Grâce à la ténacité des uns et des autres et à la volonté politique, la CNDH continue d’écrire son histoire. Sa bonne performance a convaincu le gouvernement qui lui a confié le Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) à travers la loi organique n°2018-006 du 20 juin 2018 et de la protection des défenseurs des droits de l’homme. De plus, au titre de la loi n° 2021-015 du 3 aout, la CNDH joue le rôle de protection des défenseurs des droits de l’homme. Mais, les droits de l’homme étant un idéal à atteindre, beaucoup de défis restent encore à relever.
Peut-on affirmer aujourd’hui que le Togo est un Etat de droit ?
Permettez d’abord que je puisse donner quelques précisions sur cette notion. L’Etat de droit est un Etat soumis à un ensemble de normes juridiques qui s’oppose au pouvoir arbitraire et qui garantit la protection des libertés et des droits. A cet égard, si nous prenons la Constitution, nous devons reconnaitre qu’elle garantit un Etat de droit au sens moderne du terme. Elle ne se limite pas seulement à la proclamation ou à la consécration des droits, elle prévoit également des mécanismes de contrôle qu’ils soient juridictionnels (juge ordinaire, juge constitutionnel) ou non juridictionnels (CNDH, Médiateur de la République…).
En tout état de cause, l’Etat de droit n’est pas figé, il s’agit d’une construction permanente qui nécessite une veille et des efforts pour tendre vers l’idéal. A mon humble avis, les faiblesses sont à trouver plutôt dans l’exercice et la pratique, c’est-à-dire comment les différents organes, les différentes institutions et les personnalités qui les animent contribuent à l’équilibre des pouvoirs.
La CNDH est une institution autonome, mais financée par l’Etat, jouit-elle d’une réelle indépendance pour agir librement ?
La subvention de l’Etat constitue la principale source de financement de la CNDH. Ceci n’est pas une singularité, au contraire cela relève d’une exigence des Principes de Paris qui régissent la création et le fonctionnement des institutions nationales des droits de l’homme (INDH). Ainsi, tout Etat qui décide de créer son INDH doit pouvoir la doter de moyens nécessaires à son fonctionnement, notamment les ressources humaines, matérielles et financières adéquates. Qu’à cela ne tienne, la loi organique de la CNDH en son article 46 dispose que « la Commission jouit d’une autonomie de gestion administrative et financière ». En d’autres termes, la CNDH jouit d’une réelle indépendance en ce qui concerne la gestion des fonds mis à sa disposition et il n’appartient pas à l’Etat de donner une orientation aux dépenses de la Commission. Elle n’est soumise qu’à un contrôle a posteriori de la Cour des comptes.
Quelles relations la CNDH entretient-elle avec la Justice togolaise ?
La justice est l’une des administrations avec lesquelles la CNDH a beaucoup d’interactions. J’en profite pour remercier le Garde des sceaux, ministre de la Justice et de la législation pour la qualité de nos échanges. Les sujets de collaboration concernent à la fois la mission de promotion (formation et renforcements de capacités des acteurs judiciaires) et surtout les missions de protection (investigations des plaintes et formulations de recommandations) et de prévention de la torture (visite des lieux de détention assortie de recommandations).
Les problèmes les plus récurrents sont liés au non-respect des règles de procédure et à la lenteur judiciaire surtout en matière de détention préventive. Tout comme les autres administrations publiques ou départements ministériels, la CNDH n’a pas toujours satisfaction. Elle ne manque pas de faire le suivi tout en rappelant la prescription de la loi organique en son article 2 selon laquelle : « tous les organes de l’Etat lui accordent l’assistance nécessaire dont elle peut avoir besoin pour préserver son indépendance, sa dignité et son efficacité ».
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la liberté d’expression et de presse au Togo ?
Au vu du libre exercice de la liberté d’expression et d’opinion et la multitude des organes de presse (écrite et en ligne) et des médias (audio et télévisuel), nous estimons que la liberté d’expression et de presse est une réalité au Togo avec la dépénalisation du délit de presse. Cependant, le contexte sécuritaire que nous vivons semble justifier un certain nombre d’initiatives au niveau du Gouvernement qui peuvent être interprétées ou analysées comme étant un rétrécissement de l’espace civique en général. La CNDH a un rôle là aussi à jouer pour la préservation des acquis démocratiques.
Parlons des droits des minorités. La dépénalisation de l’homosexualité revient ces dernières années dans les recommandations de l’EPU. Le Togo affiche sa fermeté sur la question, mais il y a une résurgence des violences exercées sur les homosexuels au Togo. Etes-vous préoccupé par cette situation ?
La question de la dépénalisation de l’homosexualité n’est pas seulement une question de droits de l’homme. Elle ne peut être imposée de l’extérieur mais nécessite un débat de société. Une chose est sûre aujourd’hui, c’est que la position du Gouvernement est conforme à une large partie de l’opinion publique nationale et est en adéquation avec le droit positif togolais.
La CNDH étant une composante de la communauté nationale, très proche d’ailleurs des populations, elle ne peut naviguer à contre-courant de cette réalité sociologique. Toutefois, en tant qu’institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme, elle ne peut non plus tolérer que des citoyens soient discriminés voire violentés pour ce qu’ils sont. C’est pourquoi dans le traitement des cas de violations des droits l’homme, la CNDH ne fait aucune distinction basée sur le statut du plaignant et rappelle à chaque fois que de besoin les dispositions du Code pénal qui répriment la discrimination.
Dans un contexte sécuritaire fragile, quel rôle peut jouer la CNDH en matière de respect des Droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme ?
La lutte contre le terrorisme est l’une des préoccupations actuelles de la CNDH vu le contexte de recrudescence de ce phénomène dans la sous-région et au Togo. Pour y faire face, l’Etat est amené à prendre des mesures adéquates. C’est le cas avec l’état d’urgence sécuritaire décrété dans la région des savanes. Ces mesures sont de nature à restreindre la jouissance de certains droits humains. La CNDH doit veiller à ce que les restrictions soient en adéquation avec la menace et que les personnes qui seraient impliquées dans de tels actes soient traitées avec la dignité inhérente à tout être humain. A ce titre, je voudrais signaler que la Commission a élaboré un projet de sensibilisation et d’éducation aux droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Ce projet, à l’endroit des agents de l’Etat détenant une parcelle d’autorité et des leaders d’opinion, vise à prévenir l’extrémisme violent et ses conséquences sur les droits de l’homme. La commission est en train de mettre sur pied dans la région des savanes un observatoire à l’instar de celui mis en place lors de l’état d’urgence sanitaire pour d’abord, sensibiliser les populations sur la notion de l’état d’urgence sécuritaire et ensuite, veiller au respect des droits fondamentaux des populations en cette période.
La CNDH s’est dotée d’un plan stratégique 2021-2025. Quels sont les grands axes de ce plan ?
Le plan stratégique de la CNDH, le premier dans l’histoire de l’institution, vise à positionner la Commission comme leader et référence en matière de droits de l’homme afin de permettre à la population, une plus grande jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales à l’horizon 2025. Son objectif global est de contribuer à l’amélioration des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. Pour se donner les moyens de cet objectif, le plan stratégique met l’accent sur le développement institutionnel, organisationnel et des capacités de la CNDH aux niveaux central et régional; sur une collaboration renforcée avec les ministères et institutions de l’Etat et sur une expansion des partenariats avec les organisations de la société civile togolaise, les institutions internationales et régionales des droits de l’homme et les autres partenaires techniques et financiers. Trois axes stratégiques y sont définis :
- Axe 1 : développement institutionnel ;
- Axe 2 : promotion d’une culture des droits de l’homme et renforcement de la protection ;
- Axe 3 : renforcement du Mécanisme national de prévention de la torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Et pour conclure cet entretien, quels sont les défis et perspectives de la CNDH ?
Tels que relevés dans le plan stratégique, les principaux défis et perspectives de la CNDH sont liés à :
- l’amélioration de la capacité organisationnelle ;
- l’enracinement de la culture des droits de l’homme à travers ses différentes missions ;
- mobilisation des ressources humaines et financières pour plus d’efficacité et d’efficience.
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