L’Asck, grandissime favori de la finale des playsoffs du championnat de première division 2020-2021, a été anéanti par les jaunes et noirs de la Kozah impressionnants de volonté et de courage. Asko tient sa sixième couronne de champion après celles de 1988, 1989, 1996, 2007, 2020. Grâce au génie d’un homme, Ametokodo Mensah, l’entraîneur mésestimé, mais qui a forgé l’arme fatale pour renverser le “géant” Jonas Kokou Komla (JKK), présenté abusivement et hâtivement par les uns comme le meilleur entraîneur du Togo.
27 juin 2021, le Stade de Kégué, après un match de classement fade et insipide opposant Otérois et portuaires, cède sa grasse et soyeuse pelouse bien verdie à la confrontation la plus attendue de la saison. Asck et Asko, tous de Kara, pèsent 74 buts sur les 279 marqués au cours de la saison avant la finale, dont 46 pour Asck et 28 pour Asko. C’est en toute logique que le club de la meilleure attaque du championnat porte l’étiquette de favori. Mais les résultats de Asko et Asck en aller et retour lors de la phase de groupes (2-2 et 1-1) nourrissaient si bien le suspense. Et suspense, il y en a vraiment eu. Jusqu’au bout.
Résumé de la rencontre
Dès le coup de sifflet de l’excellent arbitre Aklassou Komlanvi, Asko, porté par le distingué Tchakei Marouf, affiche clairement ses intentions à travers son organisation matérialisée par un pressing haut et l’assiègement du camp de l’adversaire, imposant ainsi son rythme. A la 12e minute, la défense des bleus et blancs de l’Asck est mise en débandade, le portier Paroussie Atissou émigre de la surface de réparation pour enrayer un danger. 17e minute, Tchakei Marouf perce une forêt de jambes pour glisser une lumineuse passe à Sewonou Eli qui bute sur l’impérial Paroussie. Asck sonne la riposte avec quelques assauts offensifs, et presque contre le cours du jeu, à la 35e minute, Ismael Agoro hérite d’une balle sur le flanc droit, met dans le vent son vis-à-vis et avec une précision chirurgicale, dépose la balle sur la tête de Tchatakora Samiou oublié au 2e poteau. Ce dernier, d’une tête piquée, bat imparablement Agbala Vigninou (1-0). Requinqué, l’Asck tente de corser l’addition dans la foulée, mais Ouro Akoriko Sadate, Gnama Akate, Agbezudo Claude et le portier Agbagbla s’érigent en un mur infranchissable. Asko se fait menaçant par-devant, mais jusqu’à la pause, Sewonou Eli et Logbo Seri ont eu du mal à mettre en déroute Issaka Latif, Agbeto Ballack, Ozou Kossi et Ouro Djéri Ikililou. En deuxième partie, Asko, même mené, affiche une grande sérénité, applique ses fondamentaux tactiques, enchaîne de belles séquences de jeu mais cale offensivement, et multiplie des maladresses, notamment à la 53e minute où Novon efoé offre une passe à Agoro Ismael à la lisière de la surface de réparation. Celui-ci décoche une lourde frappe des 16 mètres, déviée, mais obtient un corner.79e minute, Nane Richard tombe dans la facilité, s’amuse à se débarrasser de Sonhaye Napo, remplaçant de Sewonou Eli, en pleine zone de vérité, et offre un caviar à l’adversaire, qui vendange une occasion de but en or. Asko quadrille au mieux le terrain, accentue la pression et oblige Asck à empiler les fautes. Conséquence, à la 82e minute, le baroudeur Agbeto Ballack voit rouge, Asck réduit à dix. Le coup franc obtenu dans les 25 mètres a été exécuté par le spécialiste maison, Tchakei Marouf. Le fantastique capitaine des Kondona, d’une frappe appuyée à ras du sol, loge le cuir au fond des filets, soulevant tout un stade. 1 but partout, la partie va déboucher sur la séance fatidique des tirs au but. Les deux meilleurs buteurs de la saison, Nane Richard et Agoro Ismael loupent leurs tirs, contre un seul manqué de Ouro Akoriko Sadate des jaunes et noirs. Asko, champion, conserve son titre. Sixième consécration.
Analyse tactique… JKK, une catastrophe
Asko de Kara a évolué de bout en bout dans un 3-5-2 avec 3 défenseurs centraux (Ouro Akoriko Sadate, Diakite El Bekaye, Sama Abdoul-Halimou), trois milieux axiaux (Novon Efoé, Gnama Akaté, Tchakei Marouf), deux milieux latéraux (Bourou Samadou, Agbezudo Claude) et deux attaquants (Sewonou Eli, Logbo Séri). Contre un 4-4-1-1 de l’Asck avec quatre défenseurs (Issaka Latif, Ouro Djeri Ikililou, Bode Abdoul,Tchedre Salami), quatre milieux dont deux extérieurs, deux centraux (Ozou Kossi, Agbeto Ballack, Nane Richard, Tchatakora Samiou), un attaquant de fixation (Ouro Agoro Ismael) et un numéro 10 à la Messi (Mani Sapol).
Avec le 3-5-2, Ametokodo misait sur une défense centrale densifiée et la création du surnombre en milieu de terrain. Le but étant de gagner la fameuse « bataille du milieu » en augmentant la capacité de l’équipe à récupérer rapidement le ballon loin de son but. Le système est modulable, lors de la transition offensive-défensive, avec le repli des 2 milieux latéraux, Bourou Samadou et Agbezudo Claude, le 3-5-2 se transforme en 5-3-2, lors de la transition défensive-offensive, le 3-5-2 est conservé, mais dès fois ça joue en 3-3-4. La tactique a bien fonctionné grâce aux deux latéraux très généreux qui ont parcouru une grande distance. Asko a ainsi réussi à verrouiller son axe grâce à la solidité des trois défenseurs centraux qui obligent souvent l’adversaire à contourner la défense pour passer par les ailes. La preuve, le but de Asck est venu du flanc droit, et Ouro Agoro Ismael, en fixation dans l’axe, dézone souvent pour se réfugier sur le flanc droit.
Asko plus présent dans l’axe du terrain grâce à son surnombre, a obligé Asck à multiplier des fautes. Nane Richard et Tchatakora Samiou resserrent régulièrement en éventail, et Mani Sapol descend d’un cran pour porter main forte au milieu axial, mais tous ces joueurs n’ont pas de grandes qualités défensives, alors que du côté d’Asko, on retrouve dans ce secteur deux sacrés récupérateurs Gnama Akaté et Novon, renforcés par Bourou, Agbezudo, régulièrement soutenus par le métronome Tchakei Marouf.
Asko a également opté pour la construction de jeu, partant de la base arrière en passant par le milieu de terrain où les offensives sont préparées sous l’égide de Marouf qui, par son génie, décide d’une passe en profondeur ou d’un écartement du jeu sur les ailes. Seul bémol, Séwonou et Logbo qui doivent proposer un maximum de solutions devant, décrochent souvent dans un milieu de terrain déjà très dense, conséquence, un manque criard de présence de Asko dans la surface adverse. Mais, visiblement, cette manière de jouer répond à un impératif : mettre une énorme pression dans les 30 mètres adverses, bien aidée par l’activité intense des deux attaquants et deux milieux (Novon et Marouf) couverts par une sentinelle (Gnama), provoquer des coups francs à la lisière de la surface de réparation donnant l’opportunité à Marouf de faire mouche. Opération réussie, avec l’égalisation sur un coup franc obtenu dans les 20 mètres.
JKK a eu l’inspiration de jouer avec une défense haute, mais sa défense n’était pas aussi haute, et comme la bataille du milieu n’était pas à l’actif de Asck, l’envahissement permanent de l’adversaire pousse aux fautes. JKK a bâti sa tactique sur l’aspiration de l’adversaire dans son camp pour lancer des contre-attaques, misant sur la vélocité de son trio infernal. En première partie, l’animation offensive de Asck était marquée par une grande mobilité des pions offensifs, Nane et Samiou changeaient régulièrement de place, de même que Agoro. Sauf que dans cet exercice, on a pu remarquer un tel désordre tactique, car plus d’une fois, Nane et Samiou se sont retrouvés sur le même flanc. Contre la monotonie de Asck, Asko propose la variété ; entre profondeur, verticalité, horizontalité, les séquences de jeu et leurs enchaînements montraient à suffisance que c’était l’équipe la mieux préparée à gagner cette finale. Même au niveau de l’engagement, les joueurs d’Asko se sont montrés plus motivés, plus déterminés, plus humbles, ce qui implique la qualité du discours de l’entraîneur et sa préparation psychologique du groupe. Aussi l’assurance dégagée par le jeu produit sur le terrain trahit-elle la liberté et l’indépendance de Ametoko Mensah à faire son job, sans une pression présidentielle au dos, le boss du club, Mey Gnassingbé, étant fin connaisseur du football, pour l’avoir pratiqué.
En revanche, les joueurs de l’Asck montraient une certaine suffisance, un complexe de supériorité, et les performances individuelles des joueurs se sont révélées largement en dessous de la moyenne avec un collectif cataclysmique. L’on peut s’interroger sur le discours préparateur servi par JKK à ses poulains dans cette ultime prestation.
Dans l’ensemble, l’offre tactique de JKK sur ce match est une catastrophe, l’entraîneur intérimaire des Eperviers a été tout simplement dézingué par l’homme fort de la saison 2020-2021, Ametokodo Mensah. La maturité, l’expérience et le poids de l’histoire de Asko ont démoli les hautes prétentions de l’Asck. Comme le dit un proverbe africain, les jeunes savent courir, mais le sage connaît le chemin.