Dans le cadre de la politique gouvernementale de redressement du secteur éducatif, le ministre des Enseignements primaire et secondaire, Dodzi Kokoroko, a lancé une vaste opération de contrôle des diplômes des enseignants dans les établissements scolaires et centres de formation privés laïcs et confessionnels. Cette initiative vise à détecter les non-requis et faux diplômes, confortant ainsi la volonté des autorités de garantir une qualité d’enseignement irréprochable sur l’ensemble du territoire national.
Des sanctions exemplaires
La nasse du ministère, après les contrôles exercés par les inspecteurs et directeurs régionaux de l’enseignement, est pesante. Le moins, qu’on puisse dire. Plusieurs enseignants ont été suspendus pour falsification de diplômes ou pour ne pas détenir les qualifications requises pour enseigner les matières à eux confiées. Parmi les cas les plus marquants, on peut citer celui de Wessike Kogbassi, enseignant au Complexe scolaire Dar Salam à Sokodé, détenteur d’un faux relevé de baccalauréat série D. Le directeur régional de l’éducation a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Sokode afin que cette affaire soit traitée avec toute la rigueur de la loi.
“Le 11 novembre 2024, lors d’un contrôle suite aux instructions de Monsieur le Ministre des Enseignements Primaire et secondaire relatives aux contrôles sur pièces et sur place des enseignants du complexe scolaire Dar Salam de Sokode, j’ai eu la désagréable surprise de constater que monsieur WESSIKE Kogbassi, né le 12 juin 1975 à Teme Oulo, enseignant des sciences de la Vie et de la Terre (SVT), utilise un relevé falsifié de notes de baccalauréat deuxième partie série D, pièce contenue dans son dossier. Interrogé, l’intéressé reconnaît s’être fabriqué ce document “, écrit-il dans sa plainte dont le groupe de presse Sympho Vision (La Symphonie/afrikdepeche.tg) a obtenu copie.
D’autres enseignants sont également sur le grill, notamment Ayikoe Komla Agbéssinyalé et Adovon Komlan du Collège privé laïc Amitié concorde (CPLAC) à Lomé, ainsi que Tazo Pikéwé, Medjetou Essohanam, Karim K. Kamilou et Telou E. Florent du CPI Oumoul-Mouminine sis à Adetikopé. Ces suspensions font suite à des rapports d’inspection qui ont mis en évidence des manquements graves en matière de qualifications pédagogiques.
Un cadre juridique renforcé
Pour renforcer le dispositif de lutte contre les faux diplômes dans le secteur éducatif, le gouvernement togolais a adopté l’arrêté N°2021/1049 qui fixe les conditions et procédures de création et de fonctionnement des établissements scolaires privés. Cet arrêté stipule particulièrement que les enseignants doivent justifier de qualifications reconnues et validées par le ministère.
“Tout promoteur d’un établissement scolaire ou centre de formation privé, laïc ou confessionnel, ayant obtenu une autorisation d’ouverture, veille à son fonctionnement sur le plan pédagogique et dans les meilleures conditions. À ce titre, il : prend des dispositions pour assurer une éducation, une formation et un enseignement de qualité ; veille au respect des programmes d’études établis et/ou validés par les ministères de tutelle ; emploie les enseignants, encadreurs et formateurs ayant les qualités et qualifications requises et dont les dossiers ont été validés par le ministère”, dispose l’article 38. L’insuffisance quantitative et qualitative d’enseignants peut constituer, au regard de l’article 53, un manquement susceptible de recevoir une sanction.
Les décisions du ministère, visiblement, s’appliquent sans préjudice des sanctions pénales et disciplinaires qui peuvent être prises ultérieurement. Une implacable fermeté destinée à extirper les loups délinquants qui s’introduisent dans la bergerie de l’éducation togolaise. C’est la même fermeté qui est utilisée à l’égard des enseignants, dissimulés dans les plis de prédateurs sexuels invétérés qui font des élèves leur cible privilégiée.
Promoteurs et directeurs d’établissements scolaires privés interpellés
La responsabilité des promoteurs et directeurs d’établissements privés est clairement engagée dans le recrutement des enseignants non qualifiés, du fait que les processus de recrutement violent les dispositions légales et réglementaires en la matière.
“Les promoteurs et directeurs d’établissements privés et autres doivent prendre conscience de ce phénomène de faux diplômes devant la marchandisation de l’éducation et s’inscrire dans le sérieux”, recommande le ministre Kokoroko.
La fraude aux diplômes est une pratique aux lourdes conséquences. Les faux diplômes créent des injustices sur le marché de l’emploi, entraînant la relégation au chômage des qualifiés par des non-qualifiés, et subséquemment la dégradation de la qualité de l’enseignement. La pratique infeste si bien l’administration publique togolaise. Sachant que la vérification des diplômes relève parfois d’un processus compliqué et chronophage, il faut saluer la détermination du ministre Kokoroko et le succès récolté par sa guerre contre les faux parchemins.
Mais le ministre doit aller plus loin. Au-delà de la suspension des enseignants véreux, les établissements employeurs, ayant violé les dispositions pertinentes des articles 38 et 53 de l’arrêté 2021/1049 sus évoqué, doivent être également sanctionnés pour envoyer un signal fort à tous les acteurs du système éducatif.
Un combat juste
En s’attaquant au problème des faux diplômes, Dodzi Kokoroko confirme son engagement inébranlable à donner aux élèves togolais les moyens de réussir et de sortir du cursus scolaire véritablement bien formé, outillé, pour servir la société et l’État avec efficacité en termes de compétences et de valeurs. Une éducation de qualité est, en effet, essentielle pour bâtir un avenir meilleur et permettre au Togo de relever les défis du développement. C’est pourquoi dans sa politique d’atteinte des objectifs de développement durable 4 (ODD 4) et conformément à la feuille de route gouvernementale 2020-2025 axée sur une éducation de qualité pour tous, le gouvernement togolais mise de plus en plus sur la qualification des enseignants qui passe inévitablement par la formation.
C’est dans cette perspective que l’obligation d’accéder à la fonction enseignante par la formation initiale dans une École normale est inscrite dans le statut particulier du cadre des fonctionnaires de l’enseignement. Dans cette optique, le gouvernement a créé six Écoles normales de formation des professeurs d’écoles (ENFPE) — anciennement Ecoles normales d’instituteurs (ENI)- sur toute l’étendue du territoire.
Ces écoles, qui viennent s’ajouter à l’École normale supérieure d’Atakpamé, doivent constituer pour les promoteurs et directeurs d’établissements scolaires privés, d’après le ministre Kokoroko, un véritable vivier de candidats à la profession enseignante.
Yves Galley