LRFLG/Élection du 02 novembre : des textes anachroniques, avantage bafoué d’Amenti, report illégal, des prémices crisogènes…

L’actualité des élections à la Ligue régionale de football Lomé Golfe a magnétisé les attentions ces dernières semaines et cristallisé les débats médiatiques. La campagne électorale intensivement animée par les quatre candidats retenus présageait d’un scrutin houleux et électrique. Ce fut le cas. Au point que ce 02 novembre, l’Assemblée générale échoue à sortir un vainqueur qui prend la succession de l’emblématique président sortant, Togbui Kpalikpatcho. Le tout dans une pesante ambiance sur fond d’entorse aux dispositions statutaires, ce qui fait planer le spectre d’une crise.

Déroulement du scrutin

Le samedi 02 novembre, l’Assemblée générale, instance suprême de la Ligue, est convoquée pour l’élection du président devant diriger le nouveau comité de direction. Selon l’article 22 des Statuts, il est nécessaire au premier tour, pour l’élection du président et des autres membres du Comité de direction, la majorité (plus de 50 %) des suffrages valablement exprimés.

Le corps électoral était composé de 59 délégués (votants). Les résultats du premier tour affichent : Amenti Valentin (Nouvelle Dimension), 1er avec 22 voix ; Amouzou Têtè (Ensemble servons le football), 2e avec 18 voix ; Carlos Potchona (Nouveau départ), 3e avec 11 voix et Florent Kataka (Émergence Football), 4e avec 8 voix.

Florent Kataka, malgré la pertinence de son programme et sa vision éclairée de la gouvernance de la Ligue, se fait faucher par des pesanteurs qu’il aura moins maîtrisées, lesquelles n’ont souvent rien à voir avec la raison et le rationnel. Un 2e vote met en lice les trois premiers et accouche des chiffres suivants, après dépouillement : Amenti Valentin (21 voix) ; Amouzou Têtè (19 voix) et Carlos Potchona (19 voix). Ce fut le dernier tour de vote, puisqu’un report du Congrès va être finalement décidé.

Ambiguïté et violation des textes

Une lecture minutieuse des Statuts de la ligue laisse transparaître la non maîtrise des éléments de légistique, ce qui rend le texte ambigu et mal structuré. La rédaction des textes qui régissent le fonctionnement d’une institution est une lourde responsabilité. Le choix des termes, des expressions, la structure, tout doit être réfléchi avec soin pour s’assurer que le texte soit clair, sans équivoque et compréhensible pour tous ceux qui y seront soumis.

L’article 22 des Statuts de la ligue consacré au Comité directeur, décliné en 2023 mots, traduit avec éloquence l’ambiguïté évoquée. Le volet relatif aux élections, au 3e alinéa, dispose :

« Dès le deuxième tour et pour autant qu’il y ait plus de deux listes, sera en outre éliminée après chaque vote la liste ayant obtenu le plus petit nombre de voix, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait en lice que deux listes. »

L’équivocité de cette disposition va justifier l’interprétation tendancieuse qu’en fit Bawa Adamou, le président du Comité ad-hoc chargé de l’organisation du congrès électif.

« On s’est retrouvé, explique-t-il, avec deux listes qui ont le même nombre de votants. » Or, les statuts recommandent qu’on élimine au fur et à mesure le candidat qui a le plus petit nombre de votants. Qui faut-il donc éliminer ? D’où la nécessité de mieux cerner le problème ».

Une interprétation neutre et objective impose plutôt la tenue obligatoire d’un 3e tour, pourquoi pas d’un quatrième, pour arriver coûte que coûte à dégager deux listes. Les propos d’Adamou Bawa ne peuvent avoir sens qu’à l’issue d’un énième tour qui aura échoué à départager les trois candidats. En choisissant de proposer un report sine die du Congrès électif aux candidats, il fait entorse aux textes et soulève un vent de suspicion, plongeant le processus dans les sinuosités d’une crise qui ne dit pas encore son nom. Le 6e alinéa du volet des Statuts (article 22) relatif aux élections dispose :

« En cas d’égalité des voix, de nouveaux scrutins auront lieu jusqu’à ce qu’un candidat soit élu conformément à la procédure stipulée par le présent article. »

Bawa Adamou ne peut d’ailleurs pas s’appuyer sur cette disposition pour acter le report du congrès, parce qu’elle se rapporte strictement à l’alinéa 5 ainsi formulé :

« Pour l’élection des présidents, vice-présidents, rapporteurs et membres de tous les autres organes de la Ligue, le(s) candidat(s) ayant reçu le plus de votes eu égard au(x) siège(s) à pourvoir est (sont) élu(s) ».

Tout compte fait, le calquage strict des textes de la ligue sur ceux de la Fédération togolaise de football (FTF) aurait résolu sans anicroche l’équation posée par le scrutin ce 02 novembre. L’article 29 des Statuts de la FTF dispose :

« L’élection du président et des autres membres du Comité exécutif a lieu au scrutin de liste. Est élue au premier tour la liste qui obtient la majorité absolue (plus de 50 %) des suffrages valablement exprimés. Si aucune des listes n’obtient la majorité absolue au premier tour, il est procédé à un second tour. En cas de second tour, seules sont habilitées à se présenter les deux premières listes ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Est déclarée élue à l’issue du second tour la liste ayant obtenu la majorité des voix ».

À la lueur de cette disposition claire, limpide et sensée, alignée sur les normes internationales en la matière, aussi bien en politique qu’en sport, seuls Amenti Valenti (22 voix) et Amouzou Têtè (18 voix) auraient dû se présenter au second tour.

Au second tour, Amenti Valentin aurait dû être déclaré vainqueur (21 voix) sans la moindre distorsion. En vérité, les Statuts de la Ligue régionale de football de Lome Golfe constituent une véritable hérésie, une innovation législative anachronique qui qualifie trois candidats au second tour d’une élection.

TELECHARGER STATUTS LFLG

STATUTS-FTF

Prémices crisogènes

« Le processus est suspendu et sera repris dans les jours à venir », a annoncé Bawa Adamou, qui se glorifie d’avoir obtenu ce report après consultation des différents candidats. Sauf que ce report couve des laves d’un volcan qui sommeille et qui peut entrer en éruption au moment venu.

Au second tour, Carlos Potchona s’est vu rapporter les voix en souffrance de Florent Kataka, pour passer de 11 à 19 (11+8), et Amouzou Têtè aurait raflé une voix à Amenti Valentin (18+1). Ce jeu de déplacement des voix va se renforcer davantage. Autant dire que chaque candidat, lors de l’entre-deux élections, dispose de réelles chances de faire une intrusion dans la base électorale prédéfinie d’un adversaire. Et à ce stade, la qualité des programmes brandis lors de la campagne électorale cède place à d’autres déterminants qui ont le don d’amplifier le suspense qui caractérise désormais l’issue de ce congrès électif.

Amenti Valentin peut payer le lourd tribut de l’incongruité des textes, d’autant que leur application légère ou tronquée a été purement une atteinte à son droit d’être déclaré président le 02 novembre dernier en toute légalité et légitimité.

Dans une hypothèse où il se fait damer le pion, où, par exemple, le 3e à l’issue du premier tour du 02 novembre remportait les élections au final, il est peu sûr qu’Amenti Valentin conserve sa légendaire sérénité et félicite le vainqueur tout en s’abstenant de tout recours possible. Aussi avons-nous appris qu’un des trois candidats aura émis des réserves quant au report du congrès, en dépit du consensus vanté par Bawa Adamou. Il s’agit ni plus ni moins d’un consensus hémiplégique.

Les sillons d’une crise peuvent-ils mieux se dessiner ?

Yves Galley

 

Open chat
Contactez-nous au besoin. (équipe afrikdepeche.tg)