Levée des sanctions du CNO-Togo : sortie de route d’une ministre gonflée d’autoritarisme

Une sortie de route! Voilà qui décrit parfaitement l’opération sauvetage du ministre des Sports et des loisirs, Dr Lidi Bessi Kama, engagée en violation de toute disposition légale pour sauver quatre individus cloués dans les liens de sanctions infligées par le Comité national olympique togolais (CNO-Togo). Pompeusement et incongrûment présentée comme la garantie de l’unité et de la cohésion sociale, la décision N°025/MSL/CAB/2022 portant levée des sanctions du CNO-Togo met en lice la honte et le ridicule, sur fond d’abus de pouvoir et d’affirmation de leadership mal vissé. Consumée par ses pulsions militaires, la ministre des Sports et des loisirs, perchée sur l’escabeau de l’autoritarisme, attaque rageusement la sérénité difficilement établie dans la sphère du mouvement sportif national togolais. Retour sur une affaire qui défraie la chronique, tout en exposant l’obsession d’une ministre qui s’échine à attirer, à tout prix, les projecteurs médiatiques sur sa personne. A des fins inavouées.

Le sport togolais, englué et tourmenté par les vagues houleuses de l’instabilité, est loin, sinon très loin de plonger dans une ère glorieuse fondée sur la concorde, l’unité, la solidarité et l’harmonie entre ses principaux acteurs. Aux conflits déchirant membres de fédérations s’ajoutent les oppositions et bras de fer nourris, souvent mus par des intérêts cupides et mafieux, entre ministère de tutelle et les différentes entités délégataires du service public chargées de la mise en œuvre de la politique nationale des sports. Après la page à mille crises de Guy Lorenzo fermée, l’ère Lidi Bessi Kama tourne imperturbablement ses épisodes crisogènes sous de vives tensions. Le dernier épisode qui magnétise les attentions, celles surtout du Comité international olympique (CIO), est sans doute la décision de la ministre Lidi Bessi Kama, qui s’offre la latitude de dépouiller de tous leurs effets, les sanctions du CNO-Togo visant Dr Djobo Ben Tchedré Abass, Lamega Katema Massaberma, Bidah Mawouna et Kassifon Mensah Louis.

Les faits sont pourtant graves

Les quatre individus visés sont sanctionnés pour diverses affaires, l’une aussi grave que l’autre. Bidah Mawouna pour violation de la Charte de bonne conduite lors des Jeux olympiques Tokyo 2020 (tentative d’agression et violence verbale contre son compatriote, l’athlète Fabrice Dabla, lequel a porté plainte). Dr Djobo Ben Tchedré Abass, pour détournement des fonds alloués pour les préparatifs de l’athlète Kabissa Kouméalo pour les Jeux paralympiques Tokyo 2020, alors qu’il était président de la Fédération togolaise des sports paralympiques (FETOSPA). Lamega Katema Massaberma et Kassifon Mensah Louis pour trafic de visas Schengen à de supposés athlètes.

Particulièrement, cette dernière affaire revêt une gravité absolue, au point de provoquer une plainte en bonne et due forme de l’Ambassadrice de France déposée entre les mains du ministre des Affaires étrangères togolais.
Ce dernier saisit dans la foulée sa collègue en charge des Sports qui, par courrier N°515/MSL/CAB/2022, saisissait à son tour le CNO-Togo pour l’affaire relative à l’obtention de visas Schengen aux athlètes Anani-Mekle Steffi Maluwa Mawusse; Sossah Rosemonde Josée Akoua; Adjetey Vivien Komlanvi et à l’entraîneur Missikpawa Adjambo Harakpra Edoh Komi, de la Fédération togolaise d’escrime (FTE). Ceux-ci, tous détenteurs de passeports de service, étaient censés séjourner en France et en Italie du 14 au 30 janvier 2022, mais ne sont plus jamais retournés au bercail.
Le président de la Fédération togolaise d’escrime, Lamega Katéma Massaberma est invité d’urgence le 12 mai 2022 à une réunion extraordinaire des membres du Comité exécutif du CNO-Togo pour être écouté sur cette affaire. Il y a brillé par bégaiements et balbutiements, ne parvenant pas à donner la moindre information sur la localisation possible d’un seul athlète, soutenant ne détenir aucun contact ni des athlètes, ni d’aucun membre de leurs familles. Irresponsabilité exposant cinq. Pour finir, il demande la permission de retourner à la maison retrouver son téléphone, faire des investigations et renseigner le comité exécutif bien avant la fin de sa réunion.

Peu de temps après, il envoie au Secrétaire général du CNO-Togo le message suivant :

« Bsr sg. J’ai le regret de vous annoncer que je n’ai pas de contact pour pouvoir localiser les filles. J’ai eu mon sg qui m’a dit qu’il revenait d’un voyage donc n’avait pas de leurs nouvelles. Le coach des fleurettistes des cadets juniors m’a dit que ça fait près d’un mois elles ne viennent plus aux entraînements. Voilà un peu la situation. Je ne peux rien donc je suis prêt à assumer toutes les conséquences. Demain, je passerai déposer la clef de la voiture au cno et profiter prendre les courriers. Disons Adieu sportivement car je ne ferai plus partie du monde du sport » (sic).

Preuve d’une culpabilité clairement assumée. Et en toute logique, les membres du Comité exécutif du CNO-Togo prennent leurs responsabilités, suspendant provisoirement et à titre conservatoire de toutes charges administratives, techniques et sportives liées au CNO-Togo, à l’Olympisme et au Mouvement olympique, non-olympique dans son ensemble. Mêmes sanctions appliquées à son secrétaire général Kassifon Mensah Louis.

Statut de ministre dégradé

L’intrusion intempestive de la ministre des Sports dans une affaire qui relève exclusivement de la compétence du CNO-Togo suscite moult interrogations. Il est impérieux de préciser que suivant décision du CNO-Togo, la Fédération internationale d’escrime (FIE) a également suspendu à des fins conservatoires Lamega Katéma Massaberma et Kassifon Mensah Louis de son site internet, leur retirant ainsi tous les accès auxquels ils avaient droit pour agir au nom de la FTE. Pourquoi la ministre Lidi Bessi Kama, en avocate déclarée de ces individus, ne saisit pas la FIE pour ordonner le rétablissement de ses clients dans leurs droits? Aussi faut-il rappeler que la procédure ayant abouti aux sanctions de ces ex dirigeants de la FTE a été mise sur les rails par la ministre elle-même, via le courrier N°515/MSL/CAB/2022 du 12 mai 2022, auquel en toute indépendance et responsabilité, le CNO-Togo a donné suite. “Je vous demande de retirer, à titre conservatoire, Monsieur Lamega Katema Massaberma, de ses charges de Président de la Fédération togolaise d’escrime et Directeur sportif du Comité national olympique du Togo”, somme la ministre dans ledit courrier. La même autorité tourne casaque moins d’un an plus tard et revient défendre bec et ongles le même Lamega Katema Massaberma. Mais là où Dr Lidi Bessi Kama mord davantage la poussière et dégrade complètement son image et son statut de ministre, c’est le défaut de base légale de sa démarche, qui s’apparente à l’intrusion d’un éléphant dans un magasin de porcelaines. Tant elle viole tous les principes fondamentaux de l’olympisme et tout l’arsenal juridique régissant les relations entre l’Etat et les structures associatives notamment la loi n° 2021-008 du 07 mai 2021 fixant les règles d’organisation, de développement et de promotion des activités physiques et sportives, et également, les Statuts du CNO-Togo, qu’elle est censée maîtriser. La tutelle du ministère ne fonde pas le droit d’ingérence en rendant muets les textes des structures associatives.

Les sanctions dont s’agit ont été prises par le CNO-Togo, et non par le ministère des Sports et des loisirs. Aucune disposition, pas la moindre, ne fonde le ministère dans son droit d’attaquer une décision d’une institution jouissant d’une autonomie juridiquement fondée, et revêtue légalement des prérogatives d’assurer la Charte olympique, de veiller au respect de l’esprit et des valeurs de l’olympisme… Par ailleurs, l’article 15 des Statuts du CNO-Togo stipule que les décisions définitives en ce qui concerne les sanctions sont prises par l’Assemblée générale, bien sûr du CNO-Togo, et non par le ministre des Sports, qui prend dans le cas d’espèce une décision aux allures de décision définitive.

Et de manière flagrante et aberrante, la fameuse décision de levée des sanctions constitue une violation de la règle 27.6 de la Charte Olympique qui dispose : “Les CNO doivent préserver leur autonomie et résister à toutes les pressions, y compris, mais sans s’y restreindre, les pressions politiques, juridiques, religieuses ou économiques qui pourraient les empêcher de se conformer à la Charte olympique”. L’intouchabilité de l’autonomie du CNO-Togo est confortée par l’article 9 des Statuts qui énonce : ” Le CNO-Togo doit préserver son autonomie et son indépendance vis-à-vis de toute entreprise ou organisation politique, commerciale ou confessionnelle. Le CNO-Togo œuvre sans aucune ingérence pour le maintien des relations harmonieuses et de coopération avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux concernés par les sports et les valeurs du Mouvement Olympique. Chaque membre du CNO-TOGO, personne morale ou physique doit gérer, administrer et diriger les activités sportives dont il a la charge sans l’ingérence d’un tiers”. Voilà qui suffit largement pour faire de la décision N°025/MSL/CAB/2022 portant levée des sanctions du ministre Lidi Bessi Kama un document de nul effet à conserver dans les archives du ministère juste pour éclairer la religion des futurs ministres des Sports sur la sacralité du fondement légal des décisions à prendre. Les décisions du CNO-Togo, pour leçon, ne peuvent être attaquées que par l’Assemblée générale du CNO-Togo réunie en session ordinaire ; une Chambre nationale de conciliation reconnue par le CIO ; la Chambre administrative de la Cour suprême et le Tribunal arbitral du sport dont la décision est définitive et sans autre recours.

L’appréciation juridique faite, que dire et que comprendre, quand une ministre des Sports se pose en avocate des acteurs sportifs présumés coupables des faits qui portent atteinte à l’image du Togo, qui menacent et complexifient les relations entre le Togo et certains pays étrangers rendant dorénavant très lourdes les procédures d’obtention de visas des athlètes et dirigeants, qui promeuvent les agressions verbales des dirigeants contre les athlètes au cours des compétitions, et pire, qui portent sur des détournements de fonds des athlètes. A quoi penser, quand la démarche du ministre place les intérêts d’individus lourdement fautifs au dessus de l’intérêt de tout un pays, en prétextant, en toute légèreté, considérer “la nécessité de préserver l’équité, l’unité, la cohésion et la sérénité au sein du mouvement sportif national”? C’est à juste raison, et en toute lucidité que, Walla Edjaïdè Bernard, président de la Chambre arbitrale du Sport du CNO-Togo, a remis les pendules à l’heure : “L’unité, l’équité, la sérénité et la cohésion sociale ne sont pas des arguments juridiques pour défaire une sanction”.

Tout le comité exécutif du CNO-Togo indissolublement uni derière le président Deladem Akpaki contre l’abus de pouvoir du ministre Lidi Bessi Kama

Un CNO-Togo souverain

La ministre Lidi Bessi Kama a beau mettre sous sa coupole d’autres structures sportives,- beaucoup de présidents de fédérations se plaignent de l’ingérence excessive du ministre- sa tentative de déploiement de mainmise sur le CNO-Togo aura échoué de manière retentissante. La faute à un CNO-Togo souverain, incarné par de fortes personnalités qui affichent une solidarité sans brèche autour de leur président Deladem Akpaki, pour protéger l’Assemblée générale, personne morale, qui se trouve être l’organe suprême, le seul, investi de tous les pouvoirs de levée définitive des sanctions.

Le CNO-Togo, sans trembler, s’est employé à répondre du tic au tac à la ministre des Sports par courrier N°630/CNO-TOGO/SG/2023 daté du 03 janvier 2023 pour rejeter à coup d’arguments solides et irréfutables la décision de levée de sanctions, ampliations faites au président de la République, au premier Ministre, au Comité international olympique et aux fédérations internationales concernées. Le contenu dudit courrier décortique et expose de fond en comble toutes les insuffisances et légèretés de la décision portant levée des sanctions du ministre, avant son invite à répondre à une série de questions qui cristallisent le ridicule.

Bref, un courrier qui déroule un cours magistral de droit, de management et de l’olympisme gratuitement offert à celle qui se présente, le comble, comme “une pure émanation, un pur produit du mouvement sportif togolais, plus précisément du Comité national olympique du Togo”, où elle prétend avoir servi plus d’une décennie.

Gestion militaire d’un portefeuille civil

L’exercice du pouvoir politique par les femmes est un sujet de controverse depuis le début des temps historiques. Celles-ci ne se voient que rarement reconnaître la capacité à diriger une société, mais ces dernières décennies, cette perception des choses a beaucoup évolué. Particulièrement au Togo, Faure Gnassingbé a ouvert la sphère politique à la gent féminine, et plusieurs fonctions d’autorité sont exercées par des dames, triées sur des critères rigoureux de compétence. La deuxième personnalité de la République est une dame, en la personne de Mme Yawa Tsegan, présidente de l’Assemblée nationale, la deuxième tête de l’exécutif reste une dame, Mme Victoire Dogbe, premier Ministre, et la Secrétaire générale de la présidence de la République est également une dame, Sandra Ablamba Johnson, Docteure en Sciences économiques. Au gouvernement et au parlement, on retrouve également plusieurs femmes. Ce choix politique, qui masque peu ou prou la domination masculine, cache une conception culturelle bien ancrée chez nous qui fait de la femme un être pacificateur, un atout intéressant dans l’exercice du pouvoir qui laisse supposer un mode de gouvernance spécifique fondé sur la recherche du consensus, le non usage de la force, le non abus de pouvoir. Une vue des choses partagée par Steven Pinker, psychologue à l’université Harvard, dans son livre The Better Angels of Our Nature, où il estime que “tout au long de l’histoire, les femmes ont été et continueront d’être des forces pacificatrices”.

Mais dans la pratique du pouvoir, les femmes ne sont pas toutes douces, pacificatrices, comme le seraient Victoire Dogbé, Yawa Tségan, Sandra Johnson… L’on a connu dans l’histoire de la gouvernance, des femmes fortes : Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Benazir Bhutto au Pakistan, Indira Gandhi en Inde et Golda Meir en Israël. Des exemples de cet acabit sont rares en Afrique, où le pouvoir féminin affiche un visage plus doux et pacificateur. Mais le manque d’habileté politique et l’élan autoritaire de dame Lidi Bessi Kama ne la classent pas, malheureusement, dans la lignée des femmes aux méthodes subtiles et douces de gestion du pouvoir, à l’instar de ses soeurs Yawa Tsegan, Victoire Dogbé et Sandra Johnson qui dressent dans ce domaine, une école où notre ministre bling bling des Sports devrait beaucoup apprendre.

Le sang bouillant de militaire suffirait-il pour expliquer cette grande différence? Qu’à cela ne tienne, les décisions qui engagent l’autorité du gouvernement dépassent la petite personne d’un ministre et ont le grand mérite d’être mille fois étudiées, passées par tous les filtres de la légalité et de la compétence juridique, pour éviter d’essuyer sur la place publique une humiliation grandeur nature, qui met en péril la confiance du chef de l’Etat, tout en menaçant la stabilité du landerneau sportif si abonné aux séismes. Le sport togolais est un milieu hautement crisogène, ministre dans ce département, il faut marcher sur des œufs, agir avec tact, diplomatie et hauteur d’esprit, pour éviter au maximum d’alimenter et de multiplier des foyers de crise.

Lamega Katéma Massaberma, Kassifon Mensah Louis, Kassefon Koffi viennent d’assigner devant les tribunaux le CNO-Togo et réclameraient le paiement de dommages en préjudices moral et financier d’un montant total d’Un Milliard Sept Cent Millions (1.700.000.000) F.CFA. En quoi une affaire pendante devant les juridictions togolaises intéresserait tant le ministre Lidi Bessi Kama dont l’action s’interprète par le CNO-Togo comme une obstruction d’un organisme gouvernemental dans une procédure judiciaire en cours. Le Comité international olympique nous suit de près, il faut bien espérer que la ministre prenne acte de la vacuité de sa décision de levée des sanctions et s’occupe des affaires qui relèvent effectivement de ses prérogatives. Au lieu de continuer, à n’en point finir, les tapages médiatiques creux et stériles. Pour l’honneur du Togo et le bien des sports!

Yves GALLEY

3 thoughts on “Levée des sanctions du CNO-Togo : sortie de route d’une ministre gonflée d’autoritarisme

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