Agbéyomé, une soif insatiable du bercail

Parti sur la pointe des pieds du Togo pour esquiver le rouleau compresseur de la justice, Agbéyomé Kodjo a une fois encore crié haut sa forte envie de regagner son pays. C’était le mardi dernier sur les antennes de la radio Victoire FM où il s’est fait inviter dans une émission matinale.

C’est l’énième fois, dès qu’il en a l’opportunité, le président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD), candidat de la Dynamique Mgr Kpodzro à la dernière élection présidentielle ne cache guère sa nostalgie du pays. Cette fois-ci, les mots paraissent très chargés, dénotant d’une envie de rentrer intense, impérieuse, mais que le carcan judiciaire rendrait insatiable. En tout cas, c’est ce que lui-même ose croire, c’est pourquoi il en appelle à Faure Gnassingbé, le chef de l’Etat togolais pour prendre les dispositions nécessaires en vue de lui faciliter un retour tranquille.

“Il suffit juste que Faure Gnassingbé prenne une décision de levée de toutes les mesures de contrôle judiciaire à mon encontre et à l’encontre d’autres personnes (…). Si j’entends ça demain matin à 7h, je saute dans le premier avion”, indique-t-il, avant de formuler la demande de rencontrer le même Faure Gnassingbé pour des échanges destinés à assurer le développement du Togo.

“Nous ne sommes pas en guerre contre lui. Que Faure Gnassingbé, que nous estimons nous avoir volé notre victoire nous sorte de l’exil, de la clandestinité et que l’on s’asseye pour parler”, a-t-il ajouté.

Un changement de langage sur fond de lucidité retrouvée après une si longue période d’errance, d’errements, ou plutôt d’obscurantisme. La rhétorique guerrière fait place à celle de l’allégeance et de la quête d’apaisement, et le candidat mauvais perdant mais autoproclamé président de la République semble enfin reconnaître le président légitimement élu et qui exerce imperturbablement son pouvoir.

Sortir du champ de maïs, revenir au bercail, pour remonter dans le train politique? Question que plus d’un se pose, surtout dans un contexte où sa DMK est en lambeaux et son MPDD en voie de disparition, avec l’éviction peu réfléchie de son fidèle lieutenant, Gérard Adja, la pierre angulaire du parti.

Le paradoxe dans les gesticulations incohérentes de M. Agbéyomé, c’est qu’il y a encore quelques jours, se désolidarisant de l’initiative DMK de participer aux élections au programme en 2023, il estimait contradictoire cette démarche à partir du moment où le contentieux de la présidentielle 2020 ne serait pas vidé.

A peine le temps de sortir de l’imbroglio né de cette situation que le même personnage rajoute un nouveau son, appelant à la rescousse Faure Gnassingbé dont il rejette la légalité et la légitimité du pouvoir jusque-là. Le contentieux qu’il nourrit véhémentement depuis 2020 serait-il déjà vidé? Depuis quand Faure est redevenu à ses yeux le président de la République à qui il reconnaît des prérogatives dont l’exercice pourrait le sortir d’exil?

Etant donné que son départ en exil n’est pas le produit d’une décision de Faure Gnassingbé, comment son retour devrait être favorisé par une intervention de celui-ci, dans un pays où l’organisation politique est axée sur la séparation des pouvoirs. Les mesures de contrôle judiciaire qu’il évoque comme obstacles à son retour n’ont pas été prises par Faure Gnassingbé, il ne lui revient donc pas de les lever par le fait du prince, pour enclencher une procédure qui ne servirait qu’à nourrir la théorie du pouvoir judiciaire sous la coupole de l’exécutif entretenue par une certaine opinion.

Pour satisfaire sa soif du bercail, Agbéyomé Kodjo devrait bien baliser autrement son chemin retour, maintenant qu’il a décidé de réactiver toutes ses facultés.